lundi 22 octobre 2012

Boulland, une carrière sur le Rhin

C’est Constant, valet de Napoléon, qui rapporte cette anecdote dans ses mémoires : lors du passage de l’empereur à Saint-Dizier, le 27 janvier 1814, « un ancien colonel, M. Bouland, vieillard plus que septuagénaire, se jeta aux genoux de Sa Majesté, lui exprimant toute la douleur que lui avait causée la vue des baïonnettes étrangères et la confiance qu’il avait que l’empereur en nettoierait le sol de France. Sa Majesté releva le digne vétéran, en lui disant avec gaîté qu’elle n’épargnerait rien pour accomplir une si bonne prédiction. » Napoléon ne ménagera pas ses efforts, en effet, mais en vain… En fait de « vieillard », Edme-Joseph Boulland était certes âgé (pour l’époque), mais il n’avait que 67 ans. Si sa famille est d’origine bragarde, il voit le jour à Eclance, dans l’Aube (canton de Soulaines-Dhuys), en 1747. Son père, Nicolas, admodiateur de la seigneurie locale, est originaire de Saint-Dizier, sa mère, Françoise-Nicole Perrin, est la fille d'un maître de forges de Cirey-sur-Blaise. Edme-Joseph sera soldat du Roy, puis officier : en 1786, l’année de son mariage avec Jeanne-Marie Gillon, native de Maubeuge, il est quartier-maître trésorier, avec rang de lieutenant, du régiment de chasseurs à cheval des Pyrénées, en garnison à Philippeville. Au début de la Révolution, Boulland, qui est franc-maçon, occupe toujours cette fonction au sein de son corps, devenu entre-temps régiment de chasseurs de Guyenne, à Sarrelouis, puis au 8e régiment de chasseurs à cheval, où il est capitaine. La République lui permet un avancement rapide : le 14 novembre 1793, il est promu adjudant-général chef de brigade, c'est-à-dire colonel d’état-major. Il sert alors à l’armée du Rhin. Trois ans plus tard, il est le chef d’état-major de l’illustre général Desaix, qui commande un corps de l’armée de Rhin-et-Moselle. C’est en cette qualité qu’il se distingue le 2 octobre 1796, au soir de la bataille de Biberach, en obtenant la reddition d’un bataillon autrichien. Selon le futur maréchal Gouvion Saint-Cyr, qui évoquera ce fait d’armes dans ses souvenirs, Boulland était accompagné de quelques ordonnances – une autre source dira : avec un faible peloton du 8e chasseurs à cheval, c'est à dire, au passage, son ancien régiment. L’adjudant-général sert toujours, en 1797, auprès de Desaix, et le 12 janvier 1798, le Directoire exécutif le désigne pour servir dans l’armée d’Angleterre. Il en est même le chef provisoire de l’état-major. Il ne semble pas servir en Egypte, mais rejoint plutôt le Rhin, à nouveau. Boulland termine sa carrière, sous le Consulat, comme adjudant-commandant dans la 5e division militaire à Strasbourg, en 1802, en 1803, année au cours de laquelle il cesse officiellement de servir le 26 août. Il a alors 60 ans. Retiré à Saint-Dizier, il sollicite en vain un emploi de capitaine dans le 1er bataillon des gardes nationales de la Haute-Marne mis sur pied en août 1809 pour servir dans les Flandres. Il rencontre donc Napoléon à Saint-Dizier le 27 janvier 1814, est fait chevalier de Saint-Louis sous la Restauration, et meurt à Saint-Dizier le 22 avril 1822. Edme-Joseph Boulland était l’oncle du colonel de cuirassiers Isidore Martin, futur maire de Saint-Dizier, et du lieutenant de cuirassiers François Boulland, tombé à Austerlitz. Il était surtout le père de Félix, né à Germersheim (Allemagne) en 1796, élève dans les écoles militaires de Saint-Germain et de Saint-Cyr, promu sous-lieutenant au 14e dragons le 14 mars 1814 (quelques jours avant la chute de l'Empire), et futur capitaine de cuirassiers.

Aucun commentaire: