jeudi 22 décembre 2011

Des émigrés ayant servi l'empereur

Les armées impériales n'ont pas hésité à ouvrir leurs bras à d'anciens émigrés, qui pour certains ont combattu dans différentes armées contre-révolutionnaires. Pour le meilleur, souvent, et pour le pire, parfois. Exemples puisés en Haute-Marne (avec des officiers, coïncidence, tous originaires de la région langroise).

Le meilleur, c'est le capitaine Nicolas-Laurent de Montarby, né à Dampierre en 1769. Il est d'abord élève à l'école de Brienne, où il côtoie Bonaparte, qu'il accompagne d'ailleurs au moment de rejoindre l'école militaire royale de Paris. Sous-lieutenant de dragons en 1787, capitaine des gardes du corps du roi Louis XVI, il participe à l'expédition de Nancy puis à la défense des Tuileries. Orphelin (ses parents seront guillotinés), lui qui a émigré en 1792 se battra notamment à Quiberon face aux troupes du général Hoche. Rentré en France sous le Consulat, il sert brièvement dans un régiment d'infanterie légère. Epoux d'une dame d'honneur d'Elisa Bonaparte, il reprend du service en 1813, comme capitaine au 4e régiment de gardes d'honneur, et s'illustre à Hainau. Lieutenant-colonel du roi, il commandera des troupes dans l'île Bourbon, qu'il refusera de rendre aux Anglais après les Cent-Jours, et mourra colonel en Martinique, quelques années plus tard. Son frère sera un brillant capitaine des dragons de la Garde impériale.

Fils du seigneur de Changey, né dans ce village en 1770, Claude-Bernard Pietrequin de Changey est sous-lieutenant en 1786. C'est un opposant convaincu aux idées révolutionnaires : émigré en 1791, il est fait prisonnier l'année suivante lors de la retraite de Champagne, est blessé en 1796. Rentré en France deux ans plus tard, il reprend du service en 1812 au sein de la 56e cohorte de la garde nationale (qui accueille des conscrits haut-marnais et sera versée dans le 153e de ligne), puis passe en 1813, comme lieutenant, dans le 1er régiment étranger. Il est blessé à la bataille du Mincio en février 1814. Brigadier la même année dans les gendarmes de la Garde du roi, il sera chef de bataillon dans la Légion de la Haute-Marne en 1816 et mourra en 1834.

Enfant d'Etienne-Bernard Delcey, écuyer lieutenant, né le 14 janvier 1771 à Langres, Jean-Christophe Delecey de Changey, émigré, blessé lors de l'expédition de Quiberon, commandera à partir de 1810 la garde nationale de sa ville natale et fera preuve de fermeté lors du siège de la ville (lire sa relation inédite sur le blog de Didier Desnouvaux : http://histo52.blogspot.com/2010_04_01_archive.html). Il meurt en 1846. Autre Langrois, son beau-frère Jean-François Bichet de Chalancey se battra lui aussi à Quiberon comme lieutenant et sera, lui aussi, un des défenseurs de Langres, comme capitaine de chasseurs, avant de devenir colonel (1815) de la Légion de la Haute-Marne.

Etonnante destinée que celle du capitaine de Cendrecourt. Fils d'un capitaine de cavalerie, chevalier de Saint-Louis, Jean-François Richard de Cendrecourt naît à Vicq, près de Varennes-sur-Amance, en 1760. Garde du corps du roi en 1785, émigré en 1791, il combat avec l'armée des Princes, puis dans un régiment à la solde de la Grande-Bretagne. C'est en 1802 qu'il passe comme lieutenant de cavalerie... au service du Portugal. Marié à Lisbonne, il est le père de deux jumeaux, nés en 1803 dans ce pays, qui deviendront officiers supérieurs d'infanterie de marine... française. L'expédition du général Junot au Portugal l'amène à reprendre du service, en 1807, dans l'armée française, mais toujours à titre portugais : il est en effet capitaine adjoint à l'état-major de la division Delaborde ! Au service de la France jusqu'en 1811, passé au dépôt de la Légion portugaise la même année, il servira Louis XVIII. Chef d'escadron, chevalier de Saint-Louis, membre de la Légion d'honneur, il prendra le nom de Richard de Cendrecourt. Son parent Philippe-Henri Richard de Cendrecourt, né à Pouilly-en-Bassigny en 1772, se ralliera lui pour le pire. Surnuméraire aux gardes du corps du roi jusqu'en 1790, émigré de 1792 à 1797, lieutenant d'artillerie de marine en l'an VI, il sera lieutenant aide de camp du maréchal Kellermann, passera dans le régiment de La Tour d'Auvergne, puis capitaine (1809) aide de camp du général Marulaz. Ce vétéran de la campagne d'Orient passe pour avoir adressé des signaux à l'ennemi lors du blocus de Besançon.

Jean-Baptiste Petitjean de Rancourt n'est pas, à proprement parler, un émigré de la Révolution, mais sa destinée mérite d'être contée. Né lui aussi dans le Pays langrois (le 10 février 1770, dans la cité épiscopale), il est le fils de Jean, conseiller au bailliage et présidial de Langres, et de Maillot de Courchant. Selon une enquête diligentée par la préfecture de la Haute-Marne, il part à l'âge de 7 ans à Metz où il va étudier. Protégé d'un officier d'artillerie, M. Babelon, il le suit en Espagne, en 1787. Membre des chasseurs de la couronne, puis receveur des recettes grâce à M. Beurnonville, il devient chef d'escadron de la gendarmerie royale espagnole. En 1812, Rancourt sollicite des lettres patentes pour rester au service du roi d'Espagne. Epoux d'Elisabeth Rasmendy, originaire de Bayonne, il est le père de Frédéric-Auguste-Firmin-Alexandre de Rancourt, né en 1808 à Sonia (Espagne), futur saint-cyrien et chef de bataillon (1845) au 62e de ligne, et d'un autre garçon futur inspecteur principal des douanes - ayant vu le jour en 1815 à Quimper. Lieutenant-colonel de gendarmerie, il vit à Bordeaux, en 1833. Officier de la Légion d'honneur, il n'est pas recensé par la base Léonore.

dimanche 27 novembre 2011

Le commandant Popon, fils du gardien de Pichegru

Parisien de naissance, Jean-Mathurin Popon a passé plus de la moitié de sa vie en Haute-Marne. Il a d'abord vécu à Nogent, s'est marié à Chaumont, et s'est retiré à Meuvy (canton de Clefmont), où il est mort à l'âge de 77 ans.

Popon était, dira la préfecture, le fils d'une « victime de la cruauté du tyran usurpateur lors de la catastrophe (sic) du général Pichegru ». Père de Jean-Mathurin, né le 6 février 1781 (paroisse Saint-Eustache), Sébastien Popon, marié avec Jeanne-Geneviève Martin, était en fait le porte-clefs de la tour du Temple, où le général républicain était emprisonné, et il est mort le 17 vendémiaire an XIII (5 octobre 1804), dans des circonstances que nous ignorons.

Entre-temps, son fils a embrassé la carrière militaire. En l'an IX, il a rejoint volontairement la 27e demi-brigade d'infanterie légère (que commandera le colonel franc-comtois Charnotet). Sept ans plus tard, il est officier, promu sous-lieutenant au 25e léger le 3 juin 1807, après avoir été blessé d'un coup de mitraille à Lübeck. Lieutenant de carabiniers le 21 novembre 1808, Popon est de nouveau blessé à Essling. Quelques semaines plus tard, le 4 juillet 1809, il passe capitaine, en qualité d'aide de camp du général jurassien Jarry (brigadier dans la division Tharreau du 2e corps du général Oudinot). Le lendemain, c'est Wagram, et le Parisien est touché une troisième fois...

En 1810 et 1811, Popon sert dans la péninsule ibérique. Il se distingue près de Pampelune, ce qui lui vaut d'être cité dans le rapport de son général en chef et d'être proposé pour la Légion d'honneur. Décoration qu'il obtient le 29 septembre 1810 – Jarry, auquel il est toujours attaché, commande alors une brigade du 9e corps.

Popon combat encore en Russie (1812), conserve toujours sa fonction d'aide de camp du général Jarry (brigadier dans la 32e division du 7e corps), lorsqu'il est promu chef de bataillon adjoint, le 12 juin 1813, à 31 ans. Un mois plus tard, il hérite du commandement du quartier général du 7e corps du maréchal Oudinot.

La Campagne de Saxe lui donne de nouveau l'occasion de se distinguer. A Dennewitz (sans doute lors de l'affaire du 6 septembre 1813), à la tête de 6 à 800 hommes, Popon sauve le parc d'artillerie de son corps, « traversant » à la baïonnette une colonne russe de 1 500 soldats qui l'attendait dans un défilé. Après la bataille de Leipzig, à Torgau, il commande un corps de 800 grenadiers et voltigeurs.

A la Restauration, Popon vit à Nogent(-en-Bassigny). Selon la préfecture, il s'est rallié à Napoléon durant les Cent-Jours, mais il n'aurait pas pris part à la bataille de Waterloo. Toujours chef de bataillon, il se marie à Chaumont, le 24 juin 1818, avec la fille de l'ancien magistrat Simon-Joseph Brocard.

Il se fixe ensuite à Meuvy, où il recevra la médaille de Sainte-Hélène. Domicilié rue Anselme, veuf, il décède le 26 mars 1858. Un chef d'escadron d'artillerie, Edme-Louis Forgeot, son beau-fils (né à Chaumont, domicilié à Meuvy, il se retirera à Cohons), déclare son décès.

Sources : état civil des communes de Chaumont et de Meuvy ; état des officiers en demi-solde (Archives départementales de la Haute-Marne) ; dossier de légionnaire (base Léonore).

samedi 19 novembre 2011

L'autre chef d'escadron de dragons Remy...

S'il naît et meurt à Damblain, dans les Vosges, François-Nicolas Remy vivait sous la Restauration à Germainvilliers (canton de Bourmont), d'où son père était originaire. C'était, sous l'Empire, un chef d'escadron de dragons, à ne pas confondre avec le chevalier Antoine Remy, de Thilleux, lui aussi occupant le même grade dans un régiment de cette arme , puis major des grenadiers à cheval de la Garde.

Fils de Nicolas, boutonnier, et de Françoise Morette, François-Nicolas Remy voit le jour le 13 septembre 1765. A 19 ans, il est chasseur au 4e régiment, et maréchal des logis (1788) avant la Révolution. Il est promu sous-lieutenant, le 25 octobre 1793, pour servir dans un corps dit de « partisans », au sein de l'armée du Rhin. Lieutenant le 19 février 1794, il passe en mai suivant au 7e régiment bis de hussards, qui accueille en effet des partisans de l'armée du Rhin et qui deviendra 28e dragons en l'an XII.

Mis en pied (sic) par un arrêté d'un représentant du peuple en 1794, Remy se bat ensuite avec les hussards en Italie, récoltant une balle au cou, sous les ordres du général Victor, lors de la première expédition de Rome, puis en Egypte. Capitaine le 21 septembre 1798, il est blessé à deux reprises en Orient : d'abord par une balle à l'épaule gauche près de Damanhour en nivôse VI, puis par une balle au poignet gauche.

Toujours capitaine au 28e dragons, servant dans la péninsule italienne de 1806 à 1809, il est blessé de sept coups de sabre le 8 mai 1809 (à La Piave), son bonnet de grenadier est coupé et son cheval tué sous lui à la même affaire. Après cette action, l'officier vosgien est promu chef d'escadron le 9 juin 1809, à 44 ans. Membre de la Légion d'honneur depuis 1804, il est fait officier le 27 juillet 1809.

Remy est encore blessé devant Moscou le 25 octobre 1812, a les pieds gelés en Russie, puis, après la Campagne de Saxe, est de nouveau touché à Vauchamp, le 14 février 1814 : il reçoit en effet une balle au flanc gauche en chargeant avec son escadron un carré ennemi, et ici encore, sa monture meurt sous lui.

Marié avec Marie-Sophie Boyau, qui habite Troyes (le 7e bis de hussards du chef de brigade Detrès était cantonné dans cette ville sous le Consulat), le cavalier vosgien est domicilié à Germainvilliers comme chef d'escadron retraité, et réside « depuis neuf ou dix mois » au domicile du comte de Riocourt à Damblain lorsqu'il décède.

mercredi 2 novembre 2011

samedi 29 octobre 2011

Les "Keskidees" sont arrivés !



"Keskidees", dernière publication du club Mémoires 52, vient de paraître. Cinq cents exemplaires vous attendent. L'ouvrage est vendu au prix de 23,50 euros, auxquels peuvent s'ajouter 4,20 euros de frais de port.

Il peut être obtenu auprès :
- du club Mémoires 52, 28 rue de Verdun, 52100 Bettancourt-la-Ferrée ;
- de son président, 1 bis, rue Dutailly, 52000 Chaumont ;
- ou de son co-auteur Didier Desnouvaux, joignable via son blog dont l'adresse figure sur ce site.

samedi 22 octobre 2011

Le chef de bataillon Pierret (1786-1834)

Didier, Victor, Maxime Pierret naît à Thonnance-lès-Joinville, près de Joinville, le 17 août 1786, fils de Jean-Baptiste, conducteur des routes (futur agent municipal de la commune durant la Révolution), et de Marie Guillemin, filleul de son oncle Didier Pierret, inspecteur des routes.

Entré en service à 18 ans, le 20 septembre 1804, il est élève à l'école spéciale militaire de Fontainebleau, et en sort comme sous-lieutenant pour rejoindre le 95e de ligne. Puis il est affecté au 116e de l'arme (créé en 1808 à partir du 5e régiment provisoire d'infanterie) et, en qualité de capitaine, il est blessé à deux reprises en Espagne : d'abord le 22 juin 1811 à Tarragone, puis le 23 octobre de la même année à Sagonte. Notons que c'est dans ce corps que l'illustre Bugeaud a été promu chef de bataillon.
Pierret lui-même, chevalier de la Légion d'honneur depuis le 6 août 1811, atteint ce grade avant la chute de Napoléon, et c'est à ce titre, comme demi-solde, qu'il est désigné pour prendre le commandement du 3e bataillon de grenadiers de la garde nationale de la Haute-Marne, mis sur pied dans l'arrondissement de Wassy durant les Cent-Jours. C'est ainsi que Pierret prend part à la défense de Langres en 1815.
Placé de nouveau en demi-solde, il se retire dans son village natal, puis à Cirfontaines-en-Ornois, dans le canton de Poissons. Certes, en 1828, on songe de nouveau à le réemployer – Pierret n'a que 42 ans – mais l'on signale qu'il « souffre depuis deux ans d'une blessure à la poitrine ». Une séquelle de la campagne d'Espagne, sans doute. Et c'est le 7 janvier 1834 qu'il décède prématurément dans son village de Cirfontaines.

Il était le frère de Jean-Henry Pierret, né à Thonnance le 15 juin 1796 (26 prairial an IV), sous-lieutenant dans la 1ère compagnie du 3e bataillon de grenadiers de la Haute-Marne durant les Cent-Jours.

samedi 24 septembre 2011

Un héros de Fuentes de Onoro (1811) : le capitaine de Montangon

C’est à Chaumont que naît Joseph-Justin de Montangon, le 11 avril 1781. Il est le fils de François-Jean-Baptiste Demontangon, écuyer, seigneur de Crépy (Aube), et d’une demoiselle Labbé de Briaucourt.
Selon sa notice nécrologique (parue dans les mémoires de la Société académique d’agriculture, des sciences de l’Aube) et l’état militaire de l’artillerie en 1811, Joseph-Justin est d’abord élève à l’école de Brienne-le-Château, en 1787, avant d’entrer à nouveau en service en l’an VIII, dans le corps de l'artillerie.
Promu lieutenant le 18 floréal an XIII (8 mai 1805), il fait son entrée dans l’ordre de la Légion d’honneur en 1809, après Wagram, puis passe capitaine le 12 juillet 1810. Il occupe alors la fonction de lieutenant en second dans la 1ère compagnie d’artillerie à cheval de la Garde.
C’est dans la péninsule ibérique qu’il se distingue, il y a tout juste 200 ans. Les précisions qui vont suivre proviennent du rapport particulièrement élogieux rédigé par le colonel d’artillerie Marin, rapport joint à son dossier de légionnaire.
Lorsque s’engage la bataille de Fuentes de Onoro (3 - 5 mai 1811), livrée par le maréchal Masséna, commandant l’armée du Portugal, le Haut-Marnais est placé à la tête d’une batterie légère de la Garde et de canons de cette armée, soit douze pièces d’artillerie, auprès du général Montbrun, commandant la cavalerie.
La conduite, à Fuentes, de Montangon est héroïque : chargé par la cavalerie anglaise, opposé à quatre batteries ennemies, l’officier, au soir de la bataille, a eu deux chevaux tués sous lui, et il n’avait plus qu’une pièce en état de tirer à opposer aux Britanniques.
Le maréchal Masséna – pas rancunier, parce qu’il n’a pu obtenir du maréchal Bessières l’accord de disposer de toute la Garde, ce qui selon lui lui aurait permis d’obtenir la victoire - demande alors pour le Haut-Marnais la croix d’officier de la Légion d’honneur, et les officiers de son entourage (Marbot, d’Astorg, d’Ornano) ainsi que le maréchal Marmont attesteront de cette conduite. Ce n’est que 42 ans plus tard que le Chaumontais sera décoré…
Entre-temps, le capitaine de Montangon a quitté le service en 1812 en raison de blessures que nous n'avons pu déterminer.
L’artilleur, qui aurait vécu à Saint-Omer, reçoit sa décoration en 1853, des mains du général Canrobert, et décède à Crespy (commune près de Brienne dont il a été maire pendant 35 ans), le 9 mars 1854.
A noter que la famille de Montangon a également donné à l’armée un officier d’infanterie, originaire de Brachay, promu lieutenant le 3 mai 1813, blessé durant les Cent-Jours dans les rangs du 24e de ligne (à Macon),

jeudi 25 août 2011

Le dernier Grognard ?

C'est, a priori, le dernier Grognard haut-marnais à décéder. Michel-Georges Montecot naît le 6 décembre 1793 à Langres. Selon son dossier de médaillé de Sainte-Hélène, il entre en service en 1812, et sert comme chirurgien sous-aide jusqu'en 1815. Membre de la Légion d'honneur en 1855, docteur en médecine, il décède dans sa ville natale en 1891, à l'âge de 98 ans !

Son frère cadet Mammès-Félix Montecot, dit Maladière-Montecot, né en 1795, a de son côté servi, durant les Cent-Jours, comme sous-lieutenant dans le 2e bataillon de grenadiers de la Haute-Marne. Il était par ailleurs porte-drapeau de la garde nationale langroise. Selon le baron de L'Horme, il est décédé en 1862 à Langres.

mardi 7 juin 2011

Le maréchal des logis Mulson, héros de la gendarmerie d'Espagne

Les liens entre la gendarmerie nationale et la Haute-Marne sont étroits. La ville de Chaumont accueille ainsi une école de gendarmerie - la plus ancienne encore en activité, et dont le drapeau a été décoré de la médaille militaire par le Président Chirac lors d’une cérémonie aux Invalides à Paris -, ainsi qu’un escadron de gendarmerie mobile. Cette même ville est le berceau du général Damrémont (tué lors du siège de Constantine), qui est à l’origine du serment prêté par les élèves gendarmes lors de leur entrée dans l’arme.
Nous avons choisi ici de nous intéresser à la brillante carrière d’un officier de gendarmerie méconnu, qui s’est particulièrement distingué en Espagne.
Fils de Jean-Baptiste et de Catherine Lecocq, Claude Mulson naît à Pierrefaite (canton de Laferté-sur-Amance) le 11 décembre 1783. Il entre, à 18 ans, comme dragon au 11e régiment en 1801, servant successivement en Autriche, en Hanovre, sur les Côtes de l’Océan. Brigadier en 1806, il est blessé d’un éclat d’obus à la main droite à Eylau, le 8 février 1807. Maréchal des logis en 1809, il devient gendarme à cheval au 11e escadron, le 12 juillet 1810. Brigadier le 1er mai 1811, maréchal des logis le 5 mai 1813, il sert en Espagne en 1809 puis de 1811 et 1813.
C’est dans la péninsule qu’il se distingue les 11 et 14 juillet 1813. Selon son parent, l’abbé Mulson (« Histoire de Pierrefaites »), il affronte d’abord, avec quinze gendarmes à cheval et 50 gendarmes à pied, une force de 500 cavaliers espagnols dans la région de Bucalaros (sic) – sans doute Bujaraloz (ou Bujaralos), en Aragon. Puis, le 13, il défend un fortin au même endroit avec 25 gendarmes. Des actions éclat qui seront relatées, dans un rapport, par le lieutenant Martin.
En poste à Barcelone jusqu’au 28 mai 1814, Claude Mulson intègre la compagnie de gendarmerie de l’Indre en août de la même année, puis celle du Cher en janvier 1815, enfin celle de l’Eure en 1817. Sous-lieutenant en 1830, lieutenant deux ans plus tard, il obtient son congé en 1833.
Chevalier de la Légion d’honneur, il est propriétaire et adjoint à La Neuve-Lyre (Eure), où il meurt en 1856.
Selon son dossier de légionnaire, cinq de ses frères ont servi sous l’Empire, dont trois sont morts aux armées.

Sources : dossier de légionnaire de Claude Mulson ; « Histoire de Pierrefaite » (abbé Mulson).

jeudi 26 mai 2011

Hugues Mollot, serviteur de Napoléon... puis de Louis XVIII

Hugues et son frère jumeau Jean-Baptiste-Simon naissent le 13 janvier 1759, à Chaumont, au foyer de Jean-Baptiste Mollot, apothicaire (originaire de Bourg-Sainte-Marie, c’est un fils de chirurgien), et de Françoise Mailley. Le premier a pour parrain Hugues Voillemier, receveur principal des traites foraines de Chaumont.
Hugues Mollot entre dans la carrière militaire à l’âge de 24 ans, en étant incorporé dans la gendarmerie de Lunéville, le 3 août 1783. Dix ans plus tard, il rejoint l’état-major du général de division Rey, en qualité de sous-lieutenant, le 29 juillet 1793. Il sert en Vendée jusqu’en l’an III, puis en Italie et à Naples entre l’an V et l’an VII, enfin dans les Grisons en l’an VIII et en l’an IX.
Le 15 novembre 1806, Mollot est employé comme lieutenant à la Légion du Nord, composée d’anciens prisonniers, qui prend part à la Campagne de Pologne, notamment au siège de Dantzig. Le 31 août 1808, il passe avec le même grade au 95e de ligne. C’est avec ce corps qu’il se bat à Essling, à la suite de quoi il est fait membre de la Légion d’honneur le 31 mai 1809, puis est blessé à Wagram d’un coup de baïonnette. Capitaine le 8 août 1809, il est signalé, deux ans plus tard, comme officier de grenadiers du 95e par l’annuaire du département de la Haute-Marne.
Selon ses dires (mais pas selon ses états de services), Mollot se bat en Espagne.
Le 9 avril 1813, à 54 ans, il est promu chef de bataillon au 95e, et passe le 16 juin au 72e régiment d’infanterie de ligne. Selon l’historien Frédéric Masson, qui s’est intéressé à son « cas », Mollot aurait été auparavant accusé d’être l’amant de la comtesse de Saint-Hilaire ; un ordre avait été donné de l’arrêter et de l’incarcérer à la prison de l’Abbaye. Ordre qui ne sera pas suivi d’effet…
Lorsque s’ouvre la Campagne de France, Mollot a déjà 56 ans. Le 5 janvier 1814, il est toujours « bonapartiste ». Dans une lettre au comte Lacépède, il « supplie Votre Excellence de vouloir bien le proposer à Sa Majesté pour la croix d’officier ». Le Chaumontais n’hésite pas à parler du « grand plaisir de sa vie » d’oeuvre « pour le maintien et la gloire du trône de Sa Majesté »… Trois mois plus tard, il fait volte face et se rallie à Louis XVIII, le 30 mars 1814 ! Ce qui lui vaudra le qualificatif de « traître » sous la plume de l’historien Arthur Chuquet.
Promu lieutenant-colonel, qualifié de chevalier (non pas d’Empire, mais sans doute en sa qualité de membre de la Légion d’honneur), Mollot est chargé par Polignac et le comte de Semellet de se rendre à Lyon, à Marseille, à Toulon, pour informer leurs habitants « du mouvement populaire et royaliste de la ville de Paris, du 31 mars dernier ». Mollot rencontre d’abord, le 13 avril 1814, le maréchal Augereau, commandant l’armée de Lyon, à ses quartiers de Valence, et lui remet des dépêches du général Dupont. Trois jours plus tard, le maréchal Masséna le reçoit à son quartier général de Toulon : « M. le chef de bataillon Mollot a rempli cette mission avec zèle et exactitude, et a montré beaucoup de dévouement pour le gouvernement légitime. »Un dévouement qui n’empêche pas le « gouvernement légitime » - à la demande du Chaumontais ? – de le mettre à la retraite le 4 janvier 1815 (il vit alors à Paris). Evidemment, Mollot est obligé de se « terrer », au retour de Napoléon. On écrira qu’il s’est caché, durant les Cent-Jours, à Bar-sur-Aube où habitait son père.
Sous la Seconde Restauration, il occupe la fonction de directeur de la poste aux lettres à Clamecy (Nièvre), et meurt le 8 avril 1832.
Sa fille, unique héritière, Anne-Louise, avait épousé Benigne-Louis Joly, conseiller à la cour royale de Dijon.
Il est fort probable que notre officier corresponde à Hugues Mollot, qui s’est marié en 1786 avec Claudine Bœuf, fille d’un conseiller du roi au grenier à sel d’Is-sur-Tille. Sauf que ce fils d’apothicaire n’est pas, dans l’acte de mariage, qualifié de gendarme, mais d’avocat en parlement au bailliage de Chaumont…

mardi 3 mai 2011

Un officier de cavalerie de la République : Jean-Baptiste Moris

Jean-Baptiste Moris naît le 29 mars 1737 à Cusey (canton de Prauthoy), fils de Jean-Baptiste Maurice (sic), laboureur, et de Gilberte Truchot. Cultivateur, il est domicilié à Champlitte (aujourd’hui en Haute-Saône) lorsqu’il s’enrôle le 2 mai 1755, à 18 ans, au régiment Royal-Navarre, qui, le 1er décembre 1761, prendra le seizième rang dans la cavalerie. Moris prend part aux campagnes de 1757 à 1761 puis est promu maréchal des logis le 17 avril 1763, fourrier en octobre 1764, adjudant le 21 juin 1776. Porte-étendard le 26 mai 1780, le Champenois est lieutenant surnuméraire le 17 mai 1789.
Lorsque la Révolution éclate, le Royal-Navarre est en garnison à Auch, Moris a alors 52 ans.
En 1791, ce régiment devient 22e de cavalerie. Sous-lieutenant depuis le 1er janvier, lieutenant le 25 janvier 1792, capitaine le 17 juin, Moris, qui vient de participer à la campagne de Savoie, occupe ce grade lorsqu’il apparaît dans les effectifs du 22e. A noter que la plupart des officiers de l’ex-Royal Navarre sont originaires du Nord-Est de la France : le capitaine Nicolas Lepaulx, le capitaine Jean-Nicolas Villemin, le sous-lieutenant Jean-Joseph Lepaulx sont de la Haute-Saône, les capitaines Jean-Baptiste Renaud et Remy Cherrier sont des Vosges…
Rapidement, le régiment devient 21e de cavalerie, ce corps se battant à Neerwinden (1793), à l’armée de Rhin-et-Moselle (1795-96), en Allemagne (1797), en Italie (1799-1800). Il sera licencié le 24 septembre 1803 et réparti entre plusieurs régiments de dragons et de carabiniers.
Qu’est devenu Moris ? Il était situé comme chef d’escadron au 21e de cavalerie en 1800, et le selon le baron de L’Horme, c’est avec le grade de chef d’escadron qu’il aurait été tué à la bataille de Marengo le 14 juin 1800 (il aurait été alors âgé de 63 ans !). Il est vrai que des éléments du 21e faisaient partie de la fameuse brigade Kellermann dont la charge a contribué au succès de cette journée. Toutefois, le nom de Moris – ou de Maurice - n’apparaît pas dans les différents rapports rédigés après cette victoire.
Quoi qu’il en soit, en l’an XI de la République, il n’y avait plus d’officier nommé Moris au sein du 21e de cavalerie, alors en garnison à Nevers et commandé par le chef de brigade Privé.

Sources : « Hussards de la République française, services des officiers de tous grades » (1793) , « Etat militaire de la République française en l’an XI » ; notes généalogiques du baron de L’Horme (ADHM) ; registres paroissiaux de Cusey.

samedi 23 avril 2011

Louis Veron de Farincourt, le Langrois dont le destin préoccupa Wellington

Fils de Jean-Baptiste-Charles Veron de Farincourt, lieutenant-colonel, jusqu’en 1792, au régiment de Guyenne (21e régiment d’infanterie), et de Claude-Elisabeth André de la Gresle, Louis-Marie Veron de Farincourt naît à Langres le 5 février 1786. Il entre dans la carrière des armes comme vélite dans les chasseurs à pied de la Garde, le 25 juin 1804. Dans cette qualité, il prend part à la Campagne d’Autriche, obtient l’épaulette de sous-lieutenant le 15 mars 1806, et est affecté au 2e régiment d’infanterie légère. Veron se bat en Prusse puis en Pologne. Durant cette campagne, il est blessé à deux reprises lors du fameux siège de Dantzig (1807). Promu lieutenant la même année (le 1er juillet), il participe bientôt aux opérations dans la péninsule ibérique. Ainsi, en 1809, il se bat au Portugal : détaché à Chaves avec une compagnie, nous dit l’illustre biographe Michaud, le Langrois défend un couvent transformé en hôpital, soutenant pendant plusieurs jours une lutte « désespérée » contre 3 000 ( !) Portugais. Combat à la suite duquel Veron est fait prisonnier. L’officier serait resté à jamais anonyme si un général britannique au nom bientôt illustre ne s’était préoccupé de son sort : un certain Wellesley, que le monde entier apprendra à connaître sous le nom de Wellington ! C’est sur l’intervention d’un capitaine nommé Thévenon que Wellington informe, le 20 octobre 1809, Veron de Farincourt de son souhait qu’il retrouve l’armée française en échange d’un officier anglais renvoyé, de son côté, par le général Kellermann. En l’occurrence, le lieutenant Cameron, du 79th regiment (composé d’Ecossais). Là où l’affaire se complique, c’est que le Haut-Marnais est, à Lisbonne, aux mains d’un Portugais, Silveyra, sur lequel les Britanniques semblent avoir peu d’influence. L’imbroglio est tel que Veron ne rentrera en France qu’en 1810. Promu capitaine le 23 janvier 1811, il passe, quelques mois plus tard, lieutenant en premier au 1er régiment de chasseurs à pied de la Garde. Il n’a que 27 ans lorsqu’il est promu chef de bataillon au 155e régiment d’infanterie de ligne, le 7 mars 1813, se distinguant à Dresde et à Bautzen.
Membre de la Légion d’honneur, Veron de Farincourt est lieutenant-colonel du Roy quelques jours après Waterloo (27 juin 1815), servant dans le 6e régiment de la Garde royale que commande d’ailleurs un compatriote, le colonel Etienne Martin de Beurnonville (de Laferté-sur-Aube). Colonel à son tour le 27 juin 1819, à 33 ans, le Langrois conduit en Espagne le 34e régiment d’infanterie de ligne, qui se bat notamment à Trocadero. Selon le rapport du général Bordesoulle, le Haut-Marnais se distingue durant ses opérations, de même que le capitaine de voltigeurs Barbette – qui paraît correspondre au Chaumontais Alexandre Barbette. Un des officiers du 34e, le lieutenant Etienne-François Questel, de Pierrefaites, trouve la mort durant la campagne.
Promu maréchal de camp (1839), époux, depuis 1816, de la veuve du fameux général de cavalerie Montbrun (tué à La Moskowa), le baron Louis-Marie Veron de Farincourt décède à Paris le 2 février 1847. Le journaliste haut-marnais Carnandet dira qu’il avait refusé de servir le gouvernement de 1830. Veron était notamment le beau-frère du Langrois Jean-Christophe Delecey de Changey, émigré blessé à Quiberon durant la Révolution, puis officier de la garde nationale de Langres en 1814.

lundi 4 avril 2011

Didier Carbillet, un garde d'honneur chevalier de la Légion d'honneur... à 17 ans !

Nous avons consacré ici un article au futur chef de bataillon de Nolivos, enfant d’Anglus, tombé lors de la bataille de Leipzig à 22 ans, et fait chevalier de la Légion d’honneur à seulement 19 ans. Nolivos n’est pas le seul Haut-Marnais à avoir fait son entrée dans cet ordre prestigieux à moins de 20 ans. Il y eut plus précoce : Alexandre-Henry Nadault de Buffon a été nommé chevalier à quelques semaines de son 18e anniversaire !

Neveu de l’illustre naturaliste bourguignon, à qui il a consacré une biographie, ce fils d’ingénieur, né à Chaumont le 16 juin 1831, a mérité cette distinction le 3 mai 1849 pour son comportement lors des événements de juin 1848 : élève au lycée Descartes (aujourd’hui Louis-le-Grand) de Paris, volontaire dans la 10e légion, ce futur substitut du procureur dans plusieurs villes de France (Valognes, dans la Manche, Chalon-sur-Saône, Rennes) a été blessé à trois reprises les 23 et 24 juin 1848, après avoir pris le fusil pour remplacer son père absent au moment de ces événements.

Mais il y eut encore plus précoce encore : Didier Carbillet. Certes, ce légionnaire n’est pas Haut-Marnais de naissance : il a vu le jour le 11 mars 1796 à Pont-à-Mousson. Mais le patronyme de ce militaire, dû à son père, est si « haut-marnais » qu’il mérite ce coup de projecteur.
Ce père, Claude, donc, est originaire de Fayl-Billot. Il est, en 1793, lieutenant au 12e régiment de dragons. Epoux d’une Spinalienne, Marguerite Eker, il est, trois ans plus tard, capitaine de la 4e compagnie du régiment, en dépôt à Pont-à-Mousson (Meurthe), lorsque naît son fils. Mais il paraît quitter le service actif quelques années plus tard, puisqu’en l’an X, aucun capitaine Carbillet ne sert ni au 12e dragons, ni dans un autre corps.

Le 23 juin 1813, son fils Didier n’a donc que 17 ans lorsqu’il intègre les rangs du 2e régiment de gardes d’honneur – il appartient à la 1ère compagnie du 1er escadron, selon Georges Housset, auteur d’une histoire de ce corps. Et c’est au même âgé qu’il est fait chevalier de la Légion d’honneur, le 28 novembre 1813, à la suite d’une action d’éclat rapportée en ces termes par la presse de Nancy : « Un enfant de Nanci (sic), le jeune Carbillet, garde d’honneur, était resté en arrière (Ndlr : lors du mouvement de son régiment de Hanau sur Francfort, à l’automne 1813) ; il se presse à travers le bois pour rejoindre ; à la sortie du bois, il voit un Bavarois armé, court dessus, lui allonge un coup de sabre (…), le fait prisonnier et le porte à la gendarmerie ; l’empereur le voit passer (…), lui demande son nom, son département et le numéro de son régiment, et le fait inscrire pour la décoration de la Légion d’honneur.»Congédié en juin 1814, Carbillet rejoint en août 1814 les carabiniers de l’armée du roi comme maréchal des logis, passera dans la cavalerie de la Garde en mai 1815, et sera promu sous-lieutenant en 1827 au sein du 1er régiment de dragons. Il meurt en 1857.

dimanche 27 mars 2011

26 mars 1814 : un capitaine se distingue dans sa future ville de résidence

Le combat de Saint-Dizier du 26 mars 1814 est un jour de gloire pour les dragons de l’armée impériale. Les officiers qui se sont distingués lors de cette affaire sont légion. Nous en citerons deux.

Ainsi, un capitaine du 2e dragons (division Briche, 5e corps de cavalerie) : François-Auguste Leblanc. C’est un Auvergnat de naissance : il a vu le jour le 1er juillet 1782 à Pradelles, en Haute-Loire, fils d’un avocat, Jean-Joseph Le Blanc. Entré en service comme dragon au 18e régiment, en 1803, il est maréchal des logis l’année suivante, puis, après avoir été blessé à Elchingen (1805), sous-lieutenant le 3 janvier 1806. Passé au 2e RD, il est fait membre de la Légion d’honneur le 1er octobre 1807. Lieutenant le 8 novembre 1809, capitaine le 28 janvier 1813, il est de nouveau blessé, à Bautzen, puis fait officier de la Légion d’honneur le 4 décembre 1813.
Selon de dossier de légionnaire, son action d’éclat bragarde serait intervenue le 26 mars 1814, bien que ce soit plutôt le 27 janvier que son régiment s’y est distingué (il a perdu ce jour-là un officier tué et quatre blessés). Voici ce que rapporte ce dossier : « Le 26 mars 1814, à l’affaire de Saint-Dizier, à la tête d’un peloton du 2e dragons, il chargea sur la grande route la cavalerie russe, et malgré son nombre et le feu de son artillerie, il s’empara du pont en avant de la ville et prit deux pièces de canon avec ses troupes ».
Coïncidence : après avoir servi comme capitaine dans le 2e régiment de dragons du Doubs, sous la Restauration, puis avoir été promu chef d’escadron, Leblanc vient s’installer… à Saint-Dizier. Pour quelle raison ? Nous l’ignorons. Aucune trace d’un mariage dans la cité bragarde n’apparaît dans les registres d’état civil. Nous savons qu’en 1850, il est un des souscripteurs du monument érigé en mémoire du maréchal Oudinot à Bar-le-Duc. Puis il part se fixer à Verdun. Médaillé de Sainte-Hélène, il décède le 30 mai 1866.

Un autre dragon qui se distingue à Saint-Dizier, selon ses dires, c’est un soldat pas comme les autres de 47 ans, servant dans les rangs du 20e régiment : Henry de Carrion de Nisas. Né à Pézenas (Hérault) en 1767, cet ancien officier de cavalerie sous l’Ancien régime a écrit des pièces de théâtre, a embrassé une carrière politique sous la Révolution, avant de reprendre du service dans l’armée en 1806 comme lieutenant de gendarmes d’ordonnance, et de parvenir durant les campagnes de la péninsule au grade d’adjudant-commandant ! Baron de l’Empire, il a été disgracié par l’empereur, et c’est donc comme dragon qu’il se bat en Saxe et en France. Il sera promu par le gouvernement provisoire, en juillet 1815, maréchal de camp, grade qui ne sera pas confirmé… (A suivre).

dimanche 6 mars 2011

Il y a 200 ans : la mort du général Chaudron-Rousseau

Il y a 200 ans, le 5 mars 1811, était mortellement blessé, sur le champ de bataille de Chiclana (Espagne), un général bourbonnais, Pierre-Guillaume Chaudron-Rousseau, auquel nous avons déjà consacré un coup de projecteur.
Rappelons que ce fils de « régicide » avait été promu adjudant-général chef de brigade (colonel chef d’état-major), durant la Révolution, à moins de 20 ans ! Il se battait alors dans les Pyrénées, avant de servir dans l’Ouest, puis lors de la campagne d’Austerlitz, et d’être promu brigadier avant la Campagne d’Espagne.

C’était, dira le maréchal Victor (son supérieur), un « officier du plus grand mérite », qui s’était déjà illustré à Talavera (1809) en conduisant une charge à la baïonnette restée fameuse. A Chiclana, deux ans plus tard, le Bourbonnais était officiellement à la tête d’une brigade de la division Leval, corps Victor qui, assiégeant Cadix, s’en était allé affronter les troupes britanniques du général Graham - qui venaient de débarquer - et espagnoles. Mais c’est en commandant deux bataillons dits « de grenadiers réunis » – formés d’éléments de divers régiments – que Chaudron-Rousseau a été tué, à seulement 35 ans, le 5 mars 1811. D’un coup de boulet à la poitrine, si l’on en croit un historien du XIXe siècle – le seul, d’ailleurs, à apporter cette précision. Tué, ou mortellement blessé ? Selon le rapport du général Graham, vainqueur de Victor, Rousseau (sic), tout comme le divisionnaire Ruffin (autre victime de cette journée), avait été fait prisonnier avant de décéder peu après.

C’est alors que serait survenu un fait extraordinaire concernant Chaudron-Rousseau complaisamment rapporté par les historiens britanniques de la guerre de la péninsule – tous se copiant pratiquement au mot près, le seul Français évoquant l’anecdote (Michaud) penchant plutôt pour le général Ruffin (mort sur le vaisseau l’emmenant en Angleterre).

Rousseau, ou plutôt Chaudron-Rousseau, donc, avait un caniche blanc qu’il avait laissé loin de la bataille. Ne voyant pas son maître revenir, le chien serait parti à sa recherche. Il aurait alors découvert, dans la nuit, le corps du général haut-marnais. Gémissements, léchage de mains et des pieds : rien n’y faisait, et Chaudron-Rousseau, laissé sur le champ de bataille, succomba. Pendant trois jours, l’animal refusa toute nourriture. Quand le général fut enfin inhumé, le caniche resta près de la sépulture. Avant que Graham, dont on sait qu’il aimait les animaux, ne le prît sous sa protection et le ramena en Grande-Bretagne où le fidèle caniche décéda.

Chiclana (ou Barosa, pour les Anglais), c’est encore la bataille au cours de laquelle son compatriote Vanderbach (d’Autreville-sur-la-Renne), le chirurgien-major du 9e léger, fut - à nouveau - blessé, ainsi que le lieutenant Ursin Demongeot, de Saint-Urbain (94e de ligne). C’est aussi ce jour-là que se distingua un officier de cavalerie, Paul Priant. Ce sous-lieutenant eurvillois de 41 ans, qui deux ans plus tôt, maréchal des logis, avait fait preuve de valeur à Uzès, réalisa un fait d’armes avec ses hommes du 1er lanciers (ex-1er dragons) : il captura 400 hommes. Le 6 août, il sera fait chevalier de la Légion d’honneur.

jeudi 24 février 2011

Le chef de batailllon Plumon, de Valcourt, héros de Novi

Le chef de bataillon haut-marnais Plumon est un officier supérieur méconnu. Nous nous sommes largement inspiré de la notice que lui ont consacré « Les Fastes de la Légion d’honneur » pour retracer ici sa carrière. Les précisions quant à sa naissance proviennent des registres paroissiaux du village de Valcourt, près de Saint-Dizier.

PLUMON (JEAN-BAPTISTE) est né le 10 décembre 1763, à Valcourt. Il est le fils d’Anne Mansart et d’un père inconnu (le nom de Plumon figure en mention marginale de l’acte de baptême – effectivement, le fils de brêleur – c’est-à-dire marinier - Pierre-Aubin Plumon épousera Anne-Louise Mansart à Valcourt en 1764), soldat le 12 janvier 1781 au 8e régiment d'infanterie, devenu 26e demi-brigade – formée le 11 juin 1796 - et 26e régiment de ligne, fit les campagnes de 1782 à 1786, inclusivement aux Grandes Indes, et fut successivement nommé caporal le 13 juin 1783, sergent le 17 septembre 1784, et sergent-fourrier le 29 juin 1786. Sergent-major le 11 septembre 1791, il prit une part honorable aux guerres de la Révolution depuis 1792 jusqu'à l'an IX dans les armées du Centre, du Nord, de la Moselle, de Rhin-et-Moselle, des Alpes et d'Italie. Devenu adjudant-sous-lieutenant le 18 avril 1792, il fut nommé capitaine adjudant-major le 4 mars 1793. Le 29 frimaire an II (19 décembre 1793), à l'armée de la Moselle, étant à la tète de 200 hommes environ auxquels il avait fait mettre les sacs à terre, il chargea contre 1 200 Autrichiens qui s'étaient emparés de six pièces et six caissons attelés, leur reprit cinq pièces, les six caissons, et leur fit 90 prisonniers. Blessé d'un coup de feu au bas-ventre le 28 thermidor an VII (15 août 1799), à la bataille de Novi, il n'en resta pas moins à la tête de sa troupe pendant toute la journée. Il chargea sept fois l'ennemi avec un plein succès et fit un grand nombre de prisonniers. Au passage du Mincio, il ordonna au bataillon qu'il commandait un mouvement habile, et arrêta l'ennemi qui le chargeait avec des forces supérieures. Le Premier Consul lui décerna, le 28 fructidor an X (15 septembre 1802), un sabre d'honneur. Employé en l'an XII au camp sous Bayonne, il fut créé officier de la Légion d'honneur le 25 prairial an XII et désigné pour faire partie du collège électoral de la Marne. Il était en l'an XIII au camp de Saintes, servit de 1806 à 1807 à ceux de l'île d'Aix et de Napoléon, et passa en 1808 à l'armée de Portugal. Chef de bataillon le 3 août 1808, il fit les guerres d'Espagne jusqu'en 1810, prit sa retraite au commencement de 1811, et fut appelé au commandement de la compagnie de réserve du département d'Ille-et-Vilaine le 2 juillet de cette dernière année. Il exerça ces fonctions jusqu'au mois de juillet 1814, époque du licenciement des compagnies départementales, et reprit alors sa position de retraite.

Note : il est sans doute le père de Jean-Edouard Plumon, né à Rennes en 1812, membre de la Légion d’honneur, promu sous-lieutenant en 1841 puis lieutenant en 1847, servant au 24e régiment d’infanterie de ligne (à Saint-Omer).

mardi 15 février 2011

Le brave colonel Martin




Le musée municipal de Saint-Dizier nous avait aimablement autorisé à reproduire le portrait du futur colonel de cuirassiers Jean-Baptiste-Isidore Martin, pour illustrer la couverture de notre ouvrage « Grognards de Haute-Marne ». Il s’agit d’un tableau fortement inspiré d’une œuvre picturale réalisée en 1805 par Casanova, élève de l’illustre David (lequel l’aurait lui-même retouchée).
La carrière du baron Martin a été évoquée en détails par son arrière-petit-fils, Edouard Joppé, dans deux articles parus en 1908 dans le carnet de « La Sabretache ». Ils nous serviront de fil conducteur pour ce récit, que nous compléterons pas des informations recueillies par ailleurs.

«Le sept aoust 1772, par nous sousigné (sic) curé, a été baptisé Jean Baptiste Isidore né d’hier du légitime mariage de Me Joseph François Martin, lieutenant particulier des eaux et forêts de cette ville et de dame Marie Mélanie Bouland. Le parein (sic) le sieur Jean Baptiste Bouland, ayeul de l’enfant représenté par le sieur Nicolas Bouland, son fils, oncle maternel de l’enfant, la mareine (sic), dame Marie Jeanne Martin, tante paternelle de l’enfant, épouse de M. Claude Joseph Antoine du Rupt, garde du roy, qui ont signé avec nous.»
C’est en ces termes que le prêtre de l’église Notre-Dame de Saint-Dizier rédige l’acte de baptême de l’enfant. Edouard Joppé nous dira que le père (mort en 1780) était avocat en parlement, conseiller du roi, et qu’il a été lui-même militaire puisque cornette aux dragons d’Antichamp.

A la fin des années 1780, la planète connaît de profonds bouleversements. Les Etats-Unis d’Amérique obtiennent par les armes leur indépendance, les Belges se révoltent. Jean-Baptiste-Isidore Martin, alors élève au collège de Châlons-sur-Marne (aujourd’hui Châlons-en-Champagne), veut voler à leur secours. Le 5 mai 1789, avec un autre collégien, son cousin germain Boulland, 15 ans et demi (François, né le 2 juillet 1773 à Saint-Dizier, paroisse de La Noue, fils de Nicolas et de Jeanne-Agathe Boulland), il quitte clandestinement l’établissement pour se rendre, via Sainte-Menehould, jusqu’à Metz, où tous deux s’enrôlent au régiment de Dragons-Dauphin du colonel de Choiseul-Daillecourt (un noble champenois, de l’illustre famille dont le berceau se trouve dans le futur village haut-marnais de Choiseul). Un engagement qui n’est pas du goût de la veuve Martin et du sieur Boulland, qui se portent sur Metz : ils obtiennent au moins le rachat du congé du jeune François, mais non celui de Martin, qui a 16 ans révolus.
A l’été 1789, le royaume de France entre à son tour dans une période de tourmente. En août, le régiment est dirigé sur l’Artois puis la Normandie. Durant cette période, si l’on en croit Joppé, le Bragard a dû être blessé en duel puisqu’il « garda toute sa vie la cicatrice d’un coup de pointe sur la pommette droite ».

La famille Martin obtient enfin le congé du jeune homme, en janvier 1790. De retour dans sa ville natale, Isidore y fait partie de la garde nationale montée. Mais au passage du régiment Mestre-de-Camp-cavalerie, qui deviendra 24e puis 23e régiment de cavalerie, Isidore s’enrôle, le 21 février 1791. Il n’est d’ailleurs pas le seul Bragard à intégrer cette unité.
« Boulland, mon cousin germain, Briquet aîné, François Roussel, Navet cadet dit La Noue, Piat, Bourgeois, Léger, s’engagèrent en même temps que moi ». De son côté, son frère cadet, Pierre-Nicolas-Victor Martin (né le 15 juillet 1775 à Saint-Dizier, paroisse Notre-Dame, filleul de Nicolas Boulland), contracte un engagement dans les hussards des Ardennes.
A noter que le 23e régiment accueille également Antoine-Sébastien Lamoureux (en novembre 1791), né à Rozières (près de Sommevoire) en 1775, Claude-Charles Remy (en brumaire an II), né à Saint-Jean (Marne) en 1769, Charles Rougeot, de Brabant-le-Roi (Meuse)…

Rapidement sous-officier (le 2 août 1792), Jean-Baptiste-Isidore Martin est même proposé pour le grade de sous-lieutenant dès le 27 février 1793 par le général Chazot… Mais il devra patienter pour obtenir l’épaulette.
Cette année-là est marquée par un drame dans sa vie : son frère Victor, également sous-officier à l’armée du Nord, reçoit une balle dans le bas-ventre au bord de la Sambre, près de Jeumont, et expire le 14 novembre 1793, « entre les bras de son frère aîné, qui assiste impuissant à son agonie ».

Le 24 février 1794, Isidore, maréchal des logis-chef (depuis le 1er avril 1793), se distingue dans les Ardennes, au point de susciter l’admiration de la Société populaire de Mouzon : avec huit cavaliers, le Bragard s’en vient affronter 25 cavaliers et 30 fantassins. « Martin se bat contre trois, en tue deux quoique son cheval ait reçu deux coups de carabine. Il tombe enfin criblé de coups et environné de douze Autrichiens. Mais plutôt que de se rendre, il se roule du haut d’un monticule dans un bois où il reçoit encore quelques coups de carabine ».Cet acte héroïque vaudra au Bragard d’être fait sous-lieutenant (à titre provisoire) par un représentant du peuple, mais ses graves blessures le tiendront longtemps éloigné du service. Durant sa convalescence, Martin est reçu à bras ouverts, le 24 mars 1794, par la Société populaire de Saint-Dizier.

Ce n’est qu’en janvier 1795 qu’il retrouve enfin son régiment. « En raison de son instruction, il est alors attaché au service de l’état-major, et assiste ainsi au siège de Luxembourg ». Puis, le 25 août 1796, il est promu adjudant.
En 1796, il prend part, au sein de la brigade Palmarolle, aux opérations des armées de Sambre-et-Meuse et du Rhin. Le 1er août 1798, soit cinq ans après avoir été proposé une première fois à ce grade, il est enfin nommé sous-lieutenant. Brevet signé Treilhard, président du Directoire exécutif…

Dans le Nord de l’Europe, il rencontre Marie-Thérèse-Mathilde von Baerlle (ou plutôt Van Baerle), née à Strachen (sic) en Prusse le 5 février 1766, et l’épouse en Gueldre, le 4 décembre 1798. A noter cette curieuse – car plutôt rare - mention marginale sur l’acte de baptême de Martin : «Marié avec Marie Thérèse Van Baer (très certainement en Prusse) ».
Officier apprécié et respecté - il apprendra que le général Mortier, ancien chef de corps du 23e de cavalerie, souhaitait faire de lui son aide de camp – Jean-Baptiste-Isidore est, le 8 pluviôse an VIII, promu lieutenant, par la grâce du conseil du corps des officiers de son régiment. « Cet officier est fort estimé dans le corps », dit le rapport du ministre aux consuls.
Sous le Consulat, Martin prend part aux opérations du général Moreau (le 23e de cavalerie est attaché à la division Montrichard, le Bragard servant par ailleurs à l’état-major).
Après Hohenlinden, le 13 décembre 1800, dans la plaine de Phalsbourg - vers Goltz, dit Joppé -, Martin, accourant au secours du chef de brigade Noirot, reçoit deux coups de sabre (« dont il ne fut blessé que légèrement »).
Le 16 décembre 1801, il passe adjudant-major. A noter qu’en l’an XI, sont recensés, parmi les officiers du 23e de cavalerie (alors caserné à Paris et Saint-Germain-en-Laye) du chef de brigade Noirot, l’adjudant-major Martin, les sous-lieutenants Boulland et Rougeot, tous cousins (ou futurs cousins).
Puis, grâce à l’intermédiaire du général Mortier et du chef de brigade Noirot, Martin obtient de passer le 13 août 1802 comme lieutenant en premier au prestigieux régiment des chasseurs à cheval de la Garde consulaire.

Promu capitaine adjudant-major le 3 février 1804, fait membre de la Légion d’honneur le 15 juin, il se bat à Austerlitz, où meurt le colonel meusien de Morlant – dont le frère, lui-même chef d’escadron, vit à Ceffonds. Il est aussi à Iéna (1806), à Eylau (1807) : « Entre deux charges, en face des carrés russes, Martin tendait sa gourde à son chef et voisin, le général Dahlmann, lorsque celui-ci tomba atteint d’un biscaïen… Ce fut Martin qui, sur sa demande, rapporta son cœur à sa veuve», écrira Joppé. Après cette bataille, le Bragard est promu le 16 février 1807 chef d’escadron – rang de major dans la ligne, soit lieutenant-colonel – puis assiste à la bataille de Friedland, où il ne charge pas.

Pour Martin, l’année 1808 est marquée par un premier séjour en Espagne, le bénéfice d’une dotation de 2 000 F de rente sur le Mont-Napoléon, son entrée dans la noblesse impériale (il est fait chevalier le 8 septembre) et son élévation au grade d’officier de la Légion d’honneur (17 novembre). Pour l’anecdote, il sera à nouveau fait chevalier d’Empire le 15 mars 1810…
En 1809, il sert en Autriche.
En 1810 et 1810, il est de nouveau en Espagne, sous les ordres du général Dorsenne, commandant les éléments de la Garde impériale dans la péninsule. Martin opère dans les provinces de Léon et de Vieille-Castille – il a notamment sous ses ordres les fameux Mameluks. Il a l’occasion de se distinguer le 25 mars 1811, face aux troupes espagnoles du général Abadia, dont l’avant-garde « seule essaya de se défendre sur les hauteurs de San Martin de Torrès ; quelques escadrons de hussards galiciens mirent même beaucoup d’opiniâtreté à se maintenir dans cette position contre l’infanterie ; mais le chef d’escadron Martin, à la tête de quelques pelotons de chasseurs à cheval et de chevau-légers polonais de la Garde, ayant chargé avec impétuosité sur cette cavalerie ennemie, la sabra, la mit en déroute, et poursuivit les fuyards jusque au-delà de Palciros ». Ainsi ce fait d’armes est-il relaté dans la fameuse anthologie « Victoires et conquêtes ».
C’est alors qu’il apprend qu’à la date du 6 août 1811, c’est-à-dire le jour de ses 39 ans, il a été promu colonel du 6e régiment de cuirassiers. Un corps qui, coïncidence, a notamment accueilli, quelques années auparavant, des éléments de son ancien régiment, le 23e de cavalerie, à la dissolution de celui-ci.

Fin décembre 1811, Martin rejoint donc le dépôt du régiment, à Ath, et le 24 juin 1812, il passe le Niémen, à la tête de plus de 900 hommes, son régiment composant la 1ère brigade Raynaud de la 5e division de cuirassiers du général Valence, Ier corps de cavalerie du général Nansouty.
Parmi les cadres du 6e cuirs, figurent notamment un officier supérieur haut-marnais, le chef d’escadron Jean-Nicolas Habert (de Nijon), le lieutenant Eugène Payart, cousin de Martin, le capitaine Lamoureux (de Rozières), ancien du 23e de cavalerie, ou encore le maréchal des logis-chef Etienne Forgeot, d’Occey (près de Prauthoy).
Le 7 septembre 1812, c’est le grand choc entre la Grande Armée et les Russes à La Moskowa. Le 6e cuirs y perd « 22 cuirassiers tués et 28 blessés, dont deux officiers. » Trois jours plus tard, Martin écrit à sa femme que son cousin Rougeot, tout comme lui, « est aussi en bonne santé ». En revanche, son propre cousin germain, Lavocat, chef d’escadron au 9e chasseurs à cheval, a trouvé la mort lors de cette sanglante bataille. Fils de Louis et de Catherine Drone, Louis-Bruno Lavocat, né à Saint-Dizier le 24 mai 1771 (paroisse Notre-Dame), était capitaine au 9e chasseurs depuis l’an XI et avait été blessé lors de la bataille de La Piave en 1809… Charles Rougeot, né à Brabant (Meuse) en 1773, ancien sous-lieutenant au 23e de cavalerie, servait, comme Martin, dans les chasseurs à cheval de la Garde depuis septembre 1803. Blessé à Austerlitz, il était capitaine depuis le 20 août 1809 dans ce corps, et c’est la même année qu’il s’est marié à Saint-Dizier avec la fille du négociant Nicolas Boulland, devenant ainsi cousin de Martin – Rougeot, futur major de chasseurs à cheval de la ligne, mourra le 6 avril 1857 dans la cité bragarde.

Quelques jours après La Moskowa, Napoléon fait Martin baron d’Empire. Lequel perdra ces lettres patentes lors de la retraite, et en recevra de nouvelles le 3 septembre 1813, libellées depuis Dresde…
Après l’entrée dans Moscou, Martin poussera même « jusqu’à 25 lieues par-delà » cette ville, puis ce sera la retraite. Il se bat le 18 octobre 1812 à Winkowo, où est blessé de sept coups de lance (et capturé) le capitaine haut-marnais Lamoureux, puis le 21 novembre, où ses cuirassiers affrontent « 7 à 800 cosaques », près de Tolotschin.
A la constitution de l’Escadron sacré, composé d’officiers (du général au sous-lieutenant) encore montés, Martin y obtient une place de lieutenant. Son cousin Payart y sert également – François-Eugène Payart, né à Saint-Dizier le 8 juillet 1785, fils de Jacques, officier de gendarmerie, et d’Anne Boulland, sera blessé à Leipzig et à Waterloo. Membre de la Légion d’honneur, il meurt prématurément, capitaine retraité, le 19 décembre 1821, dans le quartier de La Noue…
C’est le 11 décembre 1812 que Martin et les débris de son régiment repassent le Niémen.

En 1813, c’est une nouvelle campagne, en Saxe. Son régiment, recomplété, compte encore près de 400 hommes en août 1813. Martin se bat à Wachau (octobre) et en décembre, lorsque le 6e cuirs parvient sur le Rhin, il ne dispose plus que d’un effectif de sept officiers et 66 hommes ! Ils formeront un escadron du 3e régiment provisoire de cuirassiers qui prendra part à la Campagne de France.

De son côté, le colonel Martin, qui affirmera au lieutenant Adolphe Joppé (père d’Edouard, né en 1821 à Châlons-sur-Marne, futur colonel) que sur la route de Metz et Bar-le-Duc à Saint-Dizier, il a exécuté un « coup de prime » sur le jeune Blücher, partira en mission dans les départements de l’Aisne, de la Somme et du Nord, puis amènera du grand dépôt de Versailles à la défense de Paris une petite compagnie et quelques Polonais.
Après la chute de Napoléon, Martin, resté à la tête de son régiment reconstitué, est fait chevalier de Saint-Louis le 1er novembre 1814.

Durant les Cent-Jours, le 6e cuirs, qui ne compte que 267 hommes au 19 mai 1815, est affecté à la 14e division de cavalerie Delort du 4e corps de cavalerie. Nous ne reviendrons pas sur les opérations de cette grande unité, renvoyant le lecteur aux deux articles fort documentés signés par Philippe Arnould dans la revue « Tradition magazine ».
Le 16 juin 1815, le régiment, qui a pour major Jacques-Frédéric Duvernoy (un Haut-Saônois de 49 ans), pour chefs d’escadron Philippe-Pierre Kehl (40 ans) et l’Aubois Pierre Barthélémy (42 ans, ancien du 3e hussards), charge à Ligny. « Déjà proposé en 1813 par Latour-Maubourg, Martin reçoit le lendemain la promesse du grade de général à la première occasion ».
Le 18 juin, c’est Waterloo. Vers 7 h du soir, « il ramenait pour la onzième fois ses cuirassiers à la charge quand son bras droit fut brisé par un biscaien qui, en même temps lui fracassa une côte. Tiré de la mêlée par un de ses adjudants nommé Desrues (Note : Jean-Baptiste-Philémon, né en 1783 dans l’Eure, adjudant depuis janvier 1814, membre de la Légion d’honneur), il est emmené aussitôt à Philippeville. Le lendemain, à califourchon sur une chaise, il y subit la désarticulation de l’épaule ».Pour le baron Martin, c’est la fin de la carrière militaire. Il est mis à la retraite le 1er septembre 1815 et se retire à Saint-Dizier, sa ville natale.
Certes, en 1823, on le proposera pour le grade honoraire de maréchal de camp, mais cette requête ne rencontrera pas d’écho positif.

Une nouvelle vie s’ouvre : celle d’homme politique.
D’abord adjoint au maire de Saint-Dizier, il est maire de la cité de 1830 à 1847. Par ailleurs, de 1831 à 1848, il est membre du Conseil général de la Haute-Marne.
Durant ces mandats, Martin fait preuve de sa grandeur d’âme. Il obtient ainsi, en 1834, auprès du roi Louis-Philippe et de son épouse Adélaïde, qu’une somme de 320 F soit versée à un sourd-muet, le jeune Huard, pour qu’il soit admis à l’Institution réservée à ces enfants souffrant de tels handicaps.
Un homme très attaché à Louis-Philippe. Le 14 novembre 1832, le conseil municipal de Saint-Dizier, apprenant un attentat dont a été victime le roi, adresse une lettre de fidélité au « monarque qui règne avec tant de sagesse » sur le royaume de France.
Et un homme encore attaché au souvenir de l’épopée impériale : le colonel en retraite figure parmi les souscripteurs du monument à ériger, à Bar-le-Duc, en mémoire du maréchal Oudinot, tout comme son cousin Rougeot, ou les chefs d’escadron bragards Allizé et Leblan.
Le 29 novembre 1852, il a 80 ans lorsqu’il co-signe l’acte de naissance de son arrière-petit-fils, le futur général Maurice Joppé, frère d’Edouard.
Un peu moins d’un mois plus tard, à la veille de Noël, le colonel Martin rend son dernier souffle, à 9 h, faubourg de La Noue. Il était toujours membre du conseil municipal bragard. En mention marginale, figurent curieusement ces lignes : « Un tableau le représente en tenue militaire, coiffure des chasseurs à cheval, sabre à la main, dolman recouvrant l’épaule gauche, visage barré d’une épaisse moustache. »
Dix ans plus tard, le 3 août 1862, succombe, à 96 ans, cinq mois et cinq jours, sa veuve, domiciliée Rue Grande du faubourg de La Noue (aujourd’hui avenue de la République). Décédée donc à trois jours du 90e anniversaire de son défunt époux.
Le baron Martin sera inhumé au cimetière de La Noue.

Il était le père d’Eugène-Jean-Baptiste Martin, officier de cavalerie né à Paris le 24 juin 1805. Promu lieutenant en second en 1831, il a servi au 9e de cuirassiers. Coïncidence : un des capitaines en second de ce régiment, Félix Boulland, né en 1796 à Germersheim, était un de ses cousins, puisque le fils de l’adjudant-général chef de brigade Edme-Joseph Boulland (oncle maternel d’Isidore). Eugène Martin s’est marié en 1838 avec Louise-Honorine Duchesne à Bettancourt-la-Ferrée, puis, ayant quitté la carrière militaire, il sera domicilié en 1852 au lieu-dit La Vacquerie, commune de Bettancourt, où il exercera une activité d’élevage de vaches et taureaux, et mourra à Saint-Dizier le 12 avril 1897, à presque 92 ans, alors qualifié de propriétaire dans la rue des Ecuyers.
Et le père de Thérèse-Mélanie, née le 4 vendémiaire an VIII à Saint-Dizier, qui, sous l’Empire, était élève de la maison de la Légion d’honneur à Ecouen - ses souvenirs seront publiés en 1924 par son petit-fils. Epouse (en 1822, à Saint-Dizier) d’Antoine-Paul Guillemin, de Baudrecourt, elle meurt en 1891. Remarquons donc si le baron Martin est mort octogénaire, sa veuve et deux enfants ont dépassé le cap des 90 ans !

Quant à l’arrière-petit-fils du colonel, son biographe, Edouard, né à Neuilly-sur-Seine en 1851, il était le fils du lieutenant Adolphe Joppé et de Julie-Mélanie Guillemin. Président de chambre honoraire à la cour de Douai, il est mort en 1939. Pendant la guerre de 1870, il a servi comme sous-lieutenant à l’état-major de son père, alors colonel des mobiles de l’Aveyron.

lundi 7 février 2011

"Le 14e régiment d'infanterie de ligne à la bataille d'Eylau", un article inédit de Bernard et Danielle Quintin


La défense de l'Aigle du 14e de ligne pendant la bataille d'Eylau, d'après Rousselot (reproduction parue dans l'ouvrage du Dr Hourtoulle consacré à la Campagne de Pologne).


Le couple formé par Bernard et Danielle Quintin est une référence dans le domaine de la recherche historique napoléonienne. Chercheurs rigoureux, tous deux sont les auteurs de dictionnaires biographiques qui font autorité : les colonels et capitaines de vaisseau du Premier Empire, les victimes françaises des batailles d’Austerlitz et Eylau et, prochainement, les chefs de brigade et capitaines de vaisseau du Consulat.
Membre du conseil d’administration de l’Institut Napoléon, Bernard Quintin a accepté fort aimablement de donner une conférence à l’occasion de la cérémonie d’hommage aux Haut-Marnais et Haut-Saônois tombés à Eylau, le 11 novembre 2010, dans le village de Frettes (70). Et c’est tout aussi aimablement qu’il nous a autorisé à publier, en ce jour anniversaire de l’affrontement, le contenu de son intervention sur notre blog. Une marque de confiance à laquelle nous sommes particulièrement sensible.


Le 14e régiment d’infanterie de ligne à la bataille d’Eylau

« Cette recherche concernant le 14e de ligne s’inscrit dans le cadre d’une étude portant sur les soldats de la Grande Armée tombés au champ d’honneur lors de la bataille d’Eylau et parue pour le bicentenaire de cette bataille.
Comme pour la bataille d’Austerlitz, les principales sources d’archives consultées ont été les contrôles nominatifs « officiers » et « troupes » des 103 régiments et unités formant corps ayant participé à la bataille d’Eylau et conservés à Vincennes au Service historique de la Défense, département armée de terre.
Ce sont les registres matricules du 14e de ligne qui ont été les premiers consultés à la demande d’un de mes amis, Maître Jacquot, un Haut-Marnais. Je tiens à rendre hommage à sa mémoire tout particulièrement en ce jour.
C’est en application d’un arrêté du Premier consul du 24 septembre 1803 ayant rétabli dans l’armée française le grade de colonel et la dénomination de régiment pour les demi-brigades d’infanterie que la 14e demi-brigade d’infanterie de ligne est devenue le 14e régiment d’infanterie de ligne. Il convient de rappeler que la 14e de ligne avait été créée en 1796 en regroupant la 29e demi-brigade de bataille et la demi-brigade de Seine-Inférieure. La 29e de bataille avait été formée en 1794 avec le 1er bataillon du 15e régiment d’infanterie, ex-régiment de Béarn sous l’Ancien Régime, et deux bataillons de volontaires, le 4e bataillon de la Sarthe et le 14e bataillon de fédérés. Quant à la demi-brigade de Seine-Inférieure, elle était formée du 5e bataillon de la Seine-Inférieure, du 10e du Calvados et du 10e du Pas-de-Calais.
Jacques Mazas, nommé le 5 octobre 1803, a été le premier colonel du 14e de ligne. Né en 1765 à Marseille, c’est un soldat de l’Ancien Régime ayant combattu en Amérique et ayant obtenu son congé en 1790. Il a été élu adjudant-major et capitaine au 11e bataillon de la Gironde en 1793, il obtient le grade de chef de brigade en 1795 à l’âge de 30 ans et sert à l’armée d’Italie en 1798-1801.
Le 14e de ligne comprend à sa formation trois bataillons. Selon l’état militaire de l’Empire français pour l’an XIII, publié au début de 1805, les 1er et 2e bataillons font partie de l’armée des Côtes de l’Océan destinée à envahir l’Angleterre, division du camp de Saint-Omer. Le 3e bataillon est en garnison à Maestricht, 25e division militaire. En 1805, les 1er et 2e bataillons font campagne à la division de Leblond de Saint-Hilaire, 4e corps de la Grande Armée. Ils participent à l’attaque du plateau de Pratzen lors de la bataille d’Austerlitz, le 2 décembre 1805. Le colonel Mazas est tué, son nom sera inscrit sur l’Arc de triomphe de l’Etoile, côté Est. Le 14e de ligne a à déplorer la mort de 48 sous-officiers et hommes de troupe.
Par décret du 21 décembre 1805, Charles Savary est nommé colonel du 14e de ligne ; né en 1772, originaire du département des Ardennes, il est le frère du général Savary, aide de camp de l’empereur, futur duc de Rovigo et futur ministre de la Police. Les 1er et 2e bataillons du 14e de ligne appartiennent à la division Desjardin du 7e corps de la Grande Armée et prennent part à la bataille d’Iéna le 14 octobre 1806 contre les Prussiens, six morts sont à déplorer. Le colonel Savary est blessé de deux coups de lance dont un au cœur au cours d’un combat avec des cavaliers russes le 24 décembre 1806 et meurt des suites de ses blessures à l’hôpital de Plonsk le même jour. En apprenant son décès, l’empereur dira « il était digne de commander un aussi brave régiment ». Il est remplacé à la tête du 14e de ligne par le colonel Jean-François Henriod par décret du 30 décembre 1806. Né en 1763 à La Rivière-Enverse (département du Mont-Blanc), il est entré en service comme soldat au régiment de Berwick en 1782, il est sergent en 1784 et officier en 1793. Chef de bataillon en 1794 à l’armée du Rhin puis à l’armée d’Angleterre, major du 100e régiment d’infanterie de ligne en novembre 1803, il sert à la division Gazan et se distingue particulièrement au combat de Durrenstein en novembre 1805. Prenant ses fonctions au 14e de ligne au début de 1807, il sert à la 1ère brigade aux ordres du général Binot, comprenant le 16e léger et le 14e de ligne et faisant partie de la division Desjardin. Il a sous ses ordres deux bataillons de guerre comptant au 1er février 1807 65 officiers et 1 839 sous-officiers et hommes de troupe présents sous les armes, le 1er bataillon étant commandé par le chef de bataillon Dupuy de Saint-Florent, le 2e bataillon par le chef de bataillon Daucy.
Le dimanche 8 février 1807 au matin, le 7e corps de la Grande Armée du maréchal Augereau est établi au centre du dispositif de la Grande Armée à proximité de l’église et du cimetière d’Eylau ; le 14e de ligne était placé au début de la bataille en soutien de l’artillerie à cheval de la Garde impériale en position près de l’église d’Eylau, il subit ses premières pertes lors de la canonnade déclenchée par les Russes dès le matin. Le général Binot ayant eu la tête emportée par un coup de boulet au cours de cette première phase de la bataille, Henriod assume par intérim le commandement de la brigade et Daucy celui du 14e de ligne.
L’empereur ayant décidé peu après 10 h du matin de créer une attaque de diversion sur le centre de l’armée russe pour soutenir l’action du 3e corps de Davout sur le flanc gauche de l’armée russe, ordre est donné à Augereau de lancer à l’attaque ses deux divisions d’infanterie, Desjardin et Heudelet, le 14e de ligne formant l’avant-garde de la division Desjardin.
Grâce aux rapports rédigés par le colonel Henriod, nous connaissons les épisodes marquants de ce premier acte de la tragédie d’Eylau en ce qui concerne les combattants du 14e de ligne marchant à l’ennemi sous une tempête de neige « si épaisse qu’on ne distinguait pas à deux pas » et qui aveuglait les Français. Le 14e de ligne partit à l’attaque, ayant à 200 pas sur sa gauche les 44e et 105e de ligne. Plus avancé, il se trouve plus exposé au feu d’une batterie russe de 72 canons couvrant les assaillants de mitraille et de boulets. D’après Henriod, « le régiment venait de renverser la première ligne de l’infanterie russe lorsqu’un biscaïen fracturant la partie inférieure de l’aigle du 1er bataillon la jeta sur la 5e compagnie. Le sergent-major porte-drapeau venant d’être blessé, le capitaine de la 5e compagnie confia l’aigle à un brave de sa compagnie. Le carré du 14e, immédiatement entouré sur trois de ses côtés par la cavalerie et l’infanterie russes, n’aurait pas été entamé, si des fuyards d’un autre corps n’étaient venus se réfugier dans son flanc gauche ainsi devenu accessible à l’ennemi. La mêlée devint générale et les 16e léger et 44e de ligne, déjà en retraite en ce moment, ne laissant plus de points d’appui, les officiers du 14e rallièrent les deux drapeaux sur les dernières compagnies du 2e bataillon et leur donnèrent ordre de se porter rapidement en arrière sur le 105e régiment. Les drapeaux arrivés sur le flanc droit du 105e, un coup de mitraille tua le soldat porteur de l’aigle du 1er bataillon. Un grenadier du 105e la ramassa et la remit au colonel Habert du 105e de ligne. Le capitaine Grémillon du 14e de ligne, témoin de cet accident, suivit ce grenadier et obtint du colonel Habert la restitution de cette aigle. »
Il convient d’évoquer également l’héroïque résistance des survivants du 14e de ligne, encerclés par l’infanterie et la cavalerie russes et regroupés sur une butte sous le ordres du chef de bataillon Daucy qui, ne voyant aucun moyen de les sauver, aurait confié l’aigle du 2e bataillon au capitaine Marbot, aide de camp d’Augereau, ajoutant qu’il serait trop pénible en mourant de le voir tomber aux mains de l’ennemi. Les survivants seront submergés et annihilés par une dernière attaque menée par le régiment de grenadiers de Pavlov.
Il ressort de l’analyse des contrôles nominatifs « officiers » et « troupe » que le 14e de ligne est le régiment de la Grande Armée qui a subi les pertes les plus sérieuses en vies humaines à la bataille d’Eylau.

Officiers
Le 14e de ligne a déploré la mort de 26 officiers, 24 tués et deux blessés mortellement. Ils sont tous roturiers et pour la plupart d’entre eux sortis du rang et engagés volontaires dans les premières années de la Révolution.
Ce sont, par ordre hiérarchique :
. le chef de bataillon Daucy, né en 1769 à Pouilly (Seine-Inférieure), entré en service en 1788 comme soldat au régiment de Béarn, devenu 15e régiment d’infanterie en 1791, congédié en avril 1791, engagé volontaire en juillet suivant au 1er bataillon de fédérés, chef de bataillon à la 90e demi-brigade de bataille en 1794, fait campagne aux armées du Nord et de l’Ouest et cesse ses fonctions en avril 1796. Remis en activité en qualité de chef de bataillon du 1er bataillon auxiliaire du Nord en avril 1799, il rejoint la 14e demi-brigade de ligne le 23 mai 1800. Il fait campagne à l’armée des Côtes de l’Océan puis au 4e corps de la Grande Armée en 1805 et au 7e corps de la Grande Armée en 1806-1807, commande le 14e de ligne par intérim à la bataille d’Eylau.
. huit capitaines qui sont par ordre d’ancienneté : Lespicier en décembre 1792, Guillet en avril 1798, Doucé en décembre 1798, Labille en novembre 1799, Freu en décembre 1804, Guérin en décembre 1805, Vandermaesen le 25 avril 1806 et Dauguet en mai 1806.
. sept lieutenants : Baudin et Duponchel, en 1803 ; Arnaud et François en 1804 ; Gilles, Lelong et Dupré, en 1806.
. dix sous-lieutenants, dont :
. six sortis du rang : par ordre d’ancienneté, Ménard et Varin en novembre 1803, Lehuby en mai 1804, Gachassin en décembre 1804, Gohier en avril 1805, titulaire par ailleurs d’un sabre d’honneur pour sa conduite à Marengo et membre de la Légion d’honneur, Brebion en novembre 1806.
. trois anciens élèves de l’école spéciale militaire de Fontainebleau : Gautier, élève en novembre 1803, sous-lieutenant le 20 mars 1805, Chazelles, élève en septembre 1805, sous-lieutenant le 23 septembre 1806, Pouthier, né à Besançon, élève en mai 1806, sous-lieutenant le 14 décembre 1806.
. Villot, vélite aux chasseurs à pied de la Garde impériale en 1804, nommé sous-lieutenant au 14e de ligne en avril 1806.

Sous-officiers et hommes de troupe.
Pour apprécier le nombre des pertes en vies humaines des sous-officiers (sergents-majors, sergents, caporaux, fourriers) et des hommes de troupe (grenadiers et voltigeurs des compagnies d’élite, et fusiliers), il est nécessaire de tenir compte non seulement des tués et blessés mortellement ayant fait l’objet d’un extrait d’acte de mort attesté par trois témoins, mais aussi des rayés des contrôles présumés tués ou blessés mortellement et des rayés des contrôles à la suite d’une hospitalisation pour blessures à la bataille d’Eylau, soldats n’ayant repris leurs fonctions au 14e de ligne après guérison et dont on est sans nouvelles après une longue absence.
Il faut rappeler à cet égard que les opérations d’évacuation des blessés d’Eylau ont été souvent dramatiques, en particulier lors du dernier convoi. Selon Béchet de Léocourt, alors aide de camp du maréchal Ney, commandant le 6e corps de la Grande Armée, lors de l’évacuation d’Eylau huit jours après la bataille du 8 février 1807, l’arrière-garde française rencontre peu après Eylau une grande quantité de fourgons transportant des blessés français dont les conducteurs – des paysans réquisitionnés, avaient pris la fuite. Faute de moyens de transport disponibles, la plus grande partie de ces blessés durent être abandonnés à leur triste sort.
Le bilan des pertes tenant compte de ces données est :
. de 59 sous-officiers (dont 48 tués et blessés mortellement, cinq radiés présumés morts, six radiés « disparus ») ;
. de 333 hommes de troupe (dont 139 tués et blessés mortellement, 19 radiés présumés morts, 175 radiés « disparus »).
Soit, en y ajoutant les 26 officiers tués et mortellement blessés, au total 418 victimes.
Il y a lieu de remarquer que le colonel Henriod fait état de pertes plus importantes, précisant dans son dernier rapport « dans cette bataille, le 14e a eu environ 500 tués ». Peut-on expliquer cette discordance ?
Henriod n’a-t-il pas surestimé le nombre des morts ? A-t-il tenu compte des prisonniers tombés aux mains des Russes et des détachements « égarés » ayant échappé au massacre et ayant rejoint ultérieurement le régiment ? Les contrôles troupe sont-ils à 100 % fiables ? Sûrement pas. Une recherche n’est d’ailleurs jamais terminée. Les archives nous apprennent que le 44e de ligne, autre régiment de la division Desjardin, avait prétendu que l’aigle restituée au capitaine Grémillon était en fait l’aigle du 1er bataillon du 44e de ligne perdue au cours de la bataille d’Eylau et que le maréchal Berthier, major général de la Grande Armée, avait transmis cette réclamation au colonel Henriod pour enquête et compte-rendu. Dans les rapports sur le sujet adressés à l’empereur et à Berthier, Henriod ne manque pas de mettre l’accent sur les pertes considérables subies par le 14e de ligne – 590 tués dans un premier temps, environ 500 tués dans un second rapport – auxquels il faut ajouter 700 blessés. « Dans cette mémorable journée, le régiment a fait les plus grands efforts de courage et a conservé sa réputation. Les officiers, sous-officiers et soldats se sont tous distingués et tous auraient préféré la mort au malheur de perdre les aigles que leur avait confiées Sa Majesté et qui ont été sauvées dans cette circonstance sévère ». En fin de compte, Henriod sut convaincre et le 1er bataillon du 14e de ligne conserve l’aigle récupérée par le capitaine Grémillon.
Quel que soit le nombre exact de ses morts à Eylau, il n’en reste pas moins que le 14e de ligne est le régiment de la Grande Armée ayant eu les plus lourdes pertes à Eylau mais il faut aussi signaler qu’il n’a pas été anéanti. A l’appel du 10 février 1807, surlendemain de la bataille, il compte 14 officiers et 497 sous-officiers et soldats présents sous les armes et à celui du 13 février, 18 officiers et 523 sous-officiers et soldats. Après la dissolution du 7e corps de la Grande Armée le 20 février 1807, le 14e de ligne est affecté à la division Leblond de Saint-Hilaire du 4e corps de la Grande Armée commandé par le maréchal Soult. Il compte au 1er juin 1807 60 officiers et 1 011 sous-officiers et soldats présents sous les armes. Il prend part le 10 juin 1807 à la bataille d’Heilsberg et compte un officier tué, dix sous-officiers et 43 hommes de troupe tués ou mortellement blessés. Le colonel Henriod est blessé à la cuisse par un boulet de canon à Heilsberg. Il est promu au grade de général de brigade le 3 juillet 1810 et mis à la retraite en octobre 1815. Il meurt à Neris-les-Bains (Allier) le 20 juin 1825.
Le chef de bataillon Dupuy de Saint-Florent, blessé à la bataille d’Eylau, est nommé colonel pour remplir les fonctions de commandant d’armes le 20 février 1807, général de brigade à l’armée de Lyon le 21 janvier 1814, mis en non activité en septembre 1815 et retraité en 1825, mort à Limoges le 7 septembre 1838. »



En guise de complément : l’ouvrage de référence sur ce sujet est « La tragédie d’Eylau, 7 et 8 février 1807. Dictionnaire biographique des officiers, sous-officiers et soldats tués ou blessés mortellement au combat », Danielle et Bernard Quintin, Histoire & Culture, 2007.
Le couple a identifié 106 sous-officiers et hommes de troupe haut-marnais tombés lors de cette bataille, la quasi-totalité servant au 14e de ligne. Parmi eux : Nicolas Labreuvois, de Flammerécourt, fils d’un de nos ancêtres directs maternels.
Selon nos estimations, entre l’an XIII de la République et 1809, le 14e de ligne, dont le dépôt était à Sedan (Ardennes), a accueilli au moins 2 300 conscrits originaires du département de la Haute-Marne, où était implanté le détachement de recrutement du régiment, commandé successivement par les capitaines Montbailliard, Poinchevalle et Hannier.
Signalons par ailleurs : que le soldat Nicolas Arnout, de Rançonnières, futur sous-lieutenant, a reçu à Eylau 17 coups de baïonnette et a été fait prisonnier ; que Pierre Fauvé, de Lamothe-en-Blaisy, futur lieutenant, a été blessé durant la bataille ; que Benigne Gachet, de Luzy-sur-Marne, futur lieutenant, y a été fait prisonnier ; que le capitaine Charles Huot, né en 1749 en Seine-et-Marne, commandant de la 8e compagnie de fusiliers du III/14e de ligne, blessé à Kolozomb (décembre 1806), était certainement le doyen des officiers du régiment – à 58 ans – avant d’être mis à la retraite au printemps 1808 et de se retirer à Bourbonne-les-Bains ; qu’un autre officier haut-marnais, Louis-Honoré Pellier, né à Saint-Dizier en 1773, lieutenant au 14e (et futur capitaine), a été blessé à Eylau.

jeudi 27 janvier 2011

Les aides de camp haut-marnais


Un aide de camp sous l'Empire (avec l'aimable autorisation de Jérôme Croyet).

Aide de camp. Sous l’Empire, une fonction prestigieuse et non dépourvue de dangers. Pour résumer : elle constitue la première courroie de transmission entre un général ou un maréchal auquel cet officier est attaché et son environnement, c’est-à-dire avec un supérieur hiérarchique ou avec ses troupes. Reconnaissables à leur brassard, les aides de camp parcouraient inlassablement le champ de bataille, généralement porteurs d’un ordre écrit ou oral, parfois derniers remparts entre leur protecteur et l’ennemi. Les plus grands mémorialistes du Premier Empire ont rempli la fonction d’aide de camp : Marbot – du maréchal Augereau ; Gonneville – du général Rioult d’Avenay ; Ségur – de Napoléon lui-même…
Aucun Haut-Marnais n’a été l’aide de camp de l’empereur – même si deux, Deponthon et Berthemy, ont été ses officiers d’ordonnance. Toutefois, nous avons identifié 31 officiers nés ou domiciliés dans le département ayant rempli cette fonction auprès d’un maréchal, d’un général de division ou de brigade. Ils méritaient bien ce rapide hommage.

En précisant d’abord que huit d’entre eux – plus du quart ! - ont servi des maréchaux d’Empire. Et, parfois, non des moindres. Ainsi, le Dervois Pierre-Augustin Berthemy a-t-il été celui, comme colonel, de Joachim Murat, roi de Naples – qui en fera d’ailleurs un de ses généraux. Mais nous citerons aussi les Chaumontais Christophe Laloy, aide de camp du maréchal Davout de 1812 à 1815, et Charles Denys de Damrémont, celui du maréchal Marmont (presque un voisin, puisque natif de Châtillon-sur-Seine) de 1811 à 1813. Moncey s’attacha les services du gendarme fronclois Henry Doré de Brouville, sans doute dès 1808 (officieusement) en Espagne, puis officiellement en 1810, et ceux de son propre frère, le chef d’escadron Claude-François Jannot de Moncey, ancien maire de Longeville-sur-la-Laines. Etienne Martin (de Beurnonville), de Laferté-sur-Aube, a été l’aide de camp de Macdonald. Quant au maréchal Kellermann, duc de Valmy, il a été servi successivement par les capitaines Philippe-Henri Richard de Cendrecourt, de Pouilly-sur-Meuse, et Symon de Latreiche, de Bourmont.

Difficile de savoir précisément pour quelle raison tel officier a été attaché à la personne d’un maréchal ou d’un général. On peut penser – même si rien ne confirme cette hypothèse – que la même origine géographique n’est peut-être pas étrangère au choix du lieutenant chaumontais Denys de Damrémont comme aide de camp du général wasseyen Defrance. En revanche, il est indéniable que les liens familiaux expliquent l’attachement du capitaine Charles-Armand de Failly au général d’Anthouard (c’est son cousin), ou celui du capitaine Henry Guillaume au général Curial – celui-ci est le gendre du futur ministre Beugnot, auquel les Guillaume sont apparentés (à noter par ailleurs que Curial a été servi par le Bragard Le Petit de Brauvilliers). Quant à Martin (de Beurnonville), d’être le neveu maternel du général de Beurnonville n’a sans doute pas constitué un obstacle à son attachement au futur maréchal Macdonald. Reste, pour les autres, certainement ce motif : les valeurs militaires et humaines. Cinq (Cournault, d’Esclaibes d’Hust, Lavilette, Pierre-Victor Huot, Plivard) sont ainsi polytechniciens, tandis que sept ont été formés par l’école spéciale militaire de Fontainebleau puis Saint-Cyr. On peut également souligner l’origine sociale de ces aides de camp : treize sur 31 sont issus de la noblesse d’Ancien régime, or l’on sait que plusieurs maréchaux étaient sensibles au prestige du nom. A l’inverse, Berthemy est fils de perruquier, Jobert d’un recteur d’école.
On retiendra également que la fonction d’aide de camp n’éloigne pas du danger, bien au contraire. Si aucun Haut-Marnais ne trouve la mort sur un champ de bataille, plusieurs seront blessés dans l’exercice de leurs fonctions. Berthemy : à Austerlitz, Eylau et La Moskowa. Marc-Pierre Huot de Goncourt : à La Moskowa. Laloy : dans une île du Danemark. Lemoyne : à Ulm et Austerlitz.
A contrario, l’Histoire retiendra – à tort ou à raison - deux noms de Haut-Marnais comme les symboles de l’infamie lors des événements d’avril 1814 : Cendrecourt, aide de camp du général Marulaz, qui aurait adressé des signaux à l’ennemi lors du blocus de Besançon, et Denys de Damrémont, qui signa la capitulation du 6e corps.

A noter encore que, parmi les aides de camp haut-marnais, deux frères ont rempli cette fonction : Marc-Pierre et Pierre-Victor Huot de Goncourt, de Bourmont, le premier attaché au général Roussel d’Hurbal à 25 ans, le second au général Pouget.
Que le bourg de Bourmont (tout comme Langres) est le lieu de naissance de trois aides de camp, que Chaumont a été la patrie de cinq titulaires de cette fonction, et que chacun des petits villages d’Aprey et de Pouilly-sur-Meuse en a vu naître deux.
Que sept aides de camp sur 31 viennent de l’arme de l’artillerie.
Que l’officier parvenu le plus âgé à cette fonction est Baptault (41 ans), le plus jeune Martin de Beurnonville (20 ans).
Que Denys de Damrémont a pratiquement traversé tout l’Empire en qualité aide de camp (de 1807 à 1814).
Et qu’enfin cette fonction a, pour plus de la moitié d’entre eux, marqué une étape importante, si ce n’est déterminante, dans la carrière militaire : avant la fin de l’Empire, Berthemy sera général (napolitain), Denys, Lemoyne et Martin, colonels, Baptault, Cournault, Doré de Brouville, d’Esclaibes d’Hust, de Failly, Guillaume, Marc-Pierre Huot de Goncourt, Jannot de Moncey, Laloy, Maillard de Liscourt, de Montarby, Popon, Symon de Latreiche, majors, chefs de bataillon ou d’escadron.

Les aides de camp haut-marnais

Baptault Nicolas-Denis, né en Saône-et-Loire en 1769, membre de la Légion d’honneur, capitaine au 12e léger, aide de camp du général Offenstein (1810), qui commande le département de la Haute-Marne. Sera colonel du 1er régiment de la Haute-Marne (1813-1814). Etabli ensuite à Chaumont où il meurt.
Berthemy Pierre-Augustin, né à Montier-en-Der en 1778, sous-lieutenant au 8e de cavalerie (1801), aide de camp du général d’Hautpoul, blessé à Austerlitz, à Eylau. Capitaine (1807), officier d’ordonnance de Napoléon (1807-1810). Major, aide de camp du maréchal Murat (1812). Colonel (1812), blessé à La Moskowa, puis maréchal de camp napolitain (1813).
Berthel Jean, né à Goncourt en 1774, capitaine au 105e de ligne, aide de camp lui aussi du général Offenstein (février 1814).
Cournault Henry, né à Langres en 1783, capitaine du génie, aide de camp du général Kirgener (1811-1813), jusqu’à la mort de celui-ci. Sera colonel.
Doré de Brouville Henry, né à Buxières-lès-Froncles en 1774, capitaine de gendarmerie, aide de camp du maréchal Moncey (1810). Sera chef d’escadron – et major à titre provisoire - au 4e régiment de gardes d’honneur.
Cendrecourt (Richard de) Philippe-Henri, né à Pouilly-sur-Meuse en 1772, lieutenant, aide de camp du maréchal Kellermann (an XIV). Capitaine, aide de camp du général Marulaz (1809). Considéré comme « le » traître de la place de Besançon (1814).
Denys (de Damrémont) Charles, né à Chaumont en 1783, lieutenant, aide de camp du général Defrance, en 1807, puis à partir de la même année du maréchal Marmont auquel il sera attaché jusqu’au grade de colonel (1813) et à la capitulation de Paris. Tué comme général en Algérie.
Esclaibes d’Hust Louis-Auguste, né à Echenay en 1783, lieutenant d’artillerie, aide de camp du général Vallée (1809) en Espagne. Sera chef d’escadron, puis colonel en Algérie.
Failly (de) Charles-Armand, né dans la Meuse en 1780, Bragard par son mariage, capitaine d’artillerie, aide de camp du général d’Anthouard (1811), son cousin. Futur député de la Haute-Marne.
Germay (de) Louis-Jean, originaire de Suzannecourt, lieutenant d’infanterie, aide de camp du général Menard (1813), puis capitaine.
Guerin Claude-Joseph, né à Morlaix (Finistère) en 1788, domicilié à Saint-Dizier, rejoint le général Pelletier (dont il serait le cousin) en Pologne. Lieutenant, aide de camp de Pelletier en Russie, et durant les Cent-Jours (comme capitaine).
Guillaume Henry, né à Chaumont en 1786, capitaine de cavalerie, aide de camp du général Curial (1809). Sera major de dragons puis de cuirassiers.
Huin Martin-Hyacinthe, né à Andelot en 1778, capitaine, aide de camp du général Thévenot (février 1814) dont il connaissait la famille.
Huot de Goncourt Marc-Pierre, né à Bourmont en 1787, capitaine d’infanterie, aide de camp du général de cavalerie Roussel d’Hurbal de 1812 à 1815. Promu entre-temps chef d’escadron. Blessé à La Moskowa. Père des frères Goncourt.
Huot Pierre-Victor, né à Bourmont en 1783, frère du précédent, capitaine d’artillerie, bref aide de camp du général Pouget (1809). Quittera l’armée en 1811.
Jobert Etienne-Nicolas, né à Pressigny en 1778, capitaine d’infanterie retraité, commissionné aide de camp début 1814 (nous ignorons auprès de quel officier il était attaché).
Laloy Pierre-François-Christophe, né à Chaumont en 1786, fils de député régicide, sous-lieutenant d’infanterie, attaché au général Fririon en 1808, blessé dans une île du Danemark la même année, aide de camp du général d’Hastrel (1809) puis, capitaine, aide de camp du maréchal Davout (1812-1815). Entre-temps promu chef de bataillon.
Lavilette Claude-Etienne, né à Langres en 1779, sous-lieutenant d’artillerie, aide de camp du général Lariboisière, en 1806. Meurt en Russie comme capitaine de l’artillerie de la Garde.
Lemoyne Hilaire, né à Chaumont en 1771, officier de cavalerie, aide de camp de plusieurs généraux sous la Révolution. Chef d’escadron, aide de camp du général Bourcier, blessé à Ulm et Austerlitz. Sera colonel de chasseurs à cheval.
Le Petit de Brauvilliers Jules, né à Saint-Dizier en 1791, lieutenant, aide de camp du général Curial (1813), puis capitaine, aide de camp du général Briche (février 1815). Sera chef d’escadron sous la Restauration.
Leveling Hartman, né à Coblentz en 1787, capitaine, aide de camp du général Beurmann, en 1813. Vivra à Bourbonne-les-Bains.
Loyal Antoine, né à Aprey en 1775, capitaine d’infanterie, aide de camp du général Gruardet, en 1813.
Maillard de Liscourt Louis-Edouard, né à Langres en 1778, lieutenant en second d’artillerie (1804), aide de camp du général Faultrier, futur major (1813).
Martin (de Beurnonville) Etienne, né à Laferté-sur-Aube en 1789, lieutenant d’infanterie, aide de camp du général Macdonald (1809-1813), puis capitaine (1810). Sera promu colonel d’infanterie en 1813 à 24 ans, puis général sous la Restauration.
Moncey (Jannot de) Claude-François, né à Besançon en 1752, domicilié à Longeville-sur-la-Laines, chef d’escadron de gendarmerie, aide de camp de son frère le maréchal (an X).
Montarby (de) Jean-Antoine, né à Dampierre en 1780, lieutenant de cavalerie, aide de camp du général Maupetit (1807). Sera capitaine (rang de chef d’escadrons) de dragons de la Garde.
Ollivier Jean-Baptiste-Victor, né à Aprey en 1790, lieutenant du génie, aide de camp du général Sarrut en Espagne. Terminera sa carrière comme colonel.
Plivard Jean-Baptiste, né à Langres en 1789, capitaine d’artillerie, aide de camp du général Tirlet, en 1814.
Popon Jean-Mathurin, né à Paris en 1781, officier d’infanterie, capitaine, aide de camp d’un général (non identifié), en 1813. Sera chef de bataillon et vivra à Nogent puis à Meuvy.
Ruaut Joseph-Antoine, originaire de Pouilly-en-Bassigny, capitaine (1814), aide de camp du général Picard, en 1815.
Symon de Latreiche Charles-Guillaume-Fortuné, né à Bourmont en 1774, capitaine, aide de camp du maréchal Kellermann, en 1808. Servira plus tard dans l’entourage du maréchal Berthier puis dans l’état-major du maréchal Marmont, comme chef de bataillon (et peut-être comme major).

mercredi 12 janvier 2011

De Paris à Vienne dans la voiture de Metternich



Un officier de gardes d'honneur italiens, tel que pouvait apparaître le capitaine Doré de Brouville. Origine de l'image : "Carnet de La Sabretache", 1902.

Printemps 1809. Metternich, alors ambassadeur de l’empire d’Autriche à Paris, est dans l’œil du cyclone. Napoléon l’accuse d’avoir joué un rôle non négligeable dans l’éclatement du conflit entre les deux empires.
Selon Fouché, ministre de la Police, Napoléon aurait ordonné l’enlèvement du jeune ambassadeur de 34 ans. Le ministre assure, dans ses mémoires : « Révolté de ce traitement inouï, je pris sur moi d’en atténuer les formes… Ayant demandé au maréchal Moncey un capitaine de gendarmerie qui sût tempérer par l’aménité et la politesse de ses manières ce que ma mission avait d’outrageant, je lui commandai de monter dans la chaise de poste de l’avant… » Ce n’est finalement pas sur un capitaine que va se porter le choix de Moncey, inspecteur général de la gendarmerie, mais sur un lieutenant. En outre, un officier « perdu » dans les montagnes du Doubs, en poste à Pontarlier, au sein de la compagnie de gendarmerie départementale : Henry Doré de Brouville, natif de Buxières-lès-Froncles.
Pour Jannot de Moncey, dont un frère, Claude-François, officier de gendarmerie lui-même, vit en Haute-Marne, Doré de Brouville n’est toutefois pas un inconnu : il vient de servir sous ses ordres, en Espagne, avec le 3e corps, et il a été blessé de deux coups de feu à la tête et d’un coup de sabre au bras droit le 2 mai 1808, lors de la fameuse révolte du « Dos de mayo » à Madrid. Le maréchal franc-comtois – il est né dans le Doubs, là où Brouville est en poste – n’a d’ailleurs pas tari d’éloges sur la conduite de cet officier subalterne, louant son « intrépidité ». Un lieutenant d’ailleurs fait, dans la foulée, chevalier de la Légion d’honneur le 10 mai 1808 (curieusement, il sera encore nommé dans cet ordre le 23 août de la même année, « sur une autre proposition pour une action différente »).
C’est donc le 26 mai 1809, soit quelques jours après la bataille d’Essling, qu’a lieu le départ de Metternich, entre-temps retenu à Paris en raison d’une ophtalmie, et de Brouville. Un rapport de police note que l’ambassadeur est monté à 4 h 15 avec l’officier de gendarmerie, en présence d’une soixantaine de « curieux » rassemblés rue de la Grange-Batelière, à Paris.
Un autre rapport précise que « le comte de Metternich est parti accompagné du lieutenant de gendarmerie Brouville, qui répond de sa personne, et est chargé de l’accompagner jusqu’au grand quartier général impérial ». Le convoi est composé de cinq voitures, attelées chacune de quatre chevaux de poste : une pour l’ambassadeur autrichien, une pour le prince Esterhazy, une pour le comte d’Ega, et deux pour les bagages.
Le trajet emprunté par le convoi semble être le suivant : Châlons-sur-Marne, Lunéville, Strasbourg (où l’ambassadeur est reçu par l’impératrice Joséphine), enfin Vienne où il arrive le 5 juin 1809. Ce que confirme un bulletin daté du 9 : « M. de Metternich est arrivé à Vienne. Il va être échangé aux avant-postes avec la légation française, à qui les Autrichiens avaient refusé des passeports, et qu’ils avaient emmenés à Pesth ». Cette légation, en l’occurrence, consiste surtout en M. Dodun, premier secrétaire d’ambassade à Vienne.
Parvenu en Autriche, Metternich décide de se rendre à Grünberg, maison de famille de sa mère. L’ambassadeur indique dans ses mémoires : « Dans la matinée du 8, je me rendis à la résidence que j’avais choisie. J’offris à l’officier de gendarmerie qui m’avait accompagné depuis le départ de Paris de venir demeurer avec moi au Grünberg, et comme je ne voulais pas faire partager ma fâcheuse position au personnel de l’ambassade, je n’emmenai que les gens qu’il me fallait pour mon service… » Une « prison » dorée au sein de laquelle Brouville va occuper la fonction de « geôlier », selon le mot employé par l’ambassadeur.
L’échange devait avoir lieu le 1er juillet 1809, mais il ne peut être conclu. Il paraît finalement intervenir deux jours avant Wagram.
La mission de Brouville s’achève. Quel dommage que l’officier n’ait pas laissé – du moins ne sont-ils pas parvenus à notre connaissance – des souvenirs dans lesquels il aurait relaté ce voyage en compagnie d’un futur grand diplomate européen…

Début de carrière « révolutionnaire » pour un enfant de la noblesse
Né et baptisé le 6 février 1774 à Buxières-lès-Froncles (aujourd’hui commune de Froncles), dans la vallée de la Marne, entre Joinville et Chaumont, il est le fils d’Henry Doré de Brouville, capitaine de milice au régiment de Troyes, et de Marie-Reine Gattrez. Le nouveau-né est issu d’une noble famille de lointaine origine lorraine. Mais son père est né à Bienville, près de Saint-Dizier.
La carrière d’Henry « fils » commence en septembre 1791, à la faveur de la Révolution : il a 17 ans lorsqu’il s’enrôle, comme grenadier, dans le 1er bataillon de volontaires nationaux de la Haute-Marne, dont son père est, à 51 ans, lieutenant-colonel en premier. Un cousin germain, également prénommé Henry, lui-même fils d’un officier domicilié à Buxières (le lieutenant Pierre-Eugène Doré de Brouville, devenu maréchal des logis de gendarmerie), les accompagne.
Ce bataillon que nous avons déjà évoqué – c’est celui des cousins Gardel et Jacquot, de Sommancourt, près de Wassy, futurs capitaines du 34e de ligne - sert d’abord dans les Ardennes. La compagnie de grenadiers du capitaine langrois Jacquot en est rapidement détachée, et elle prend part à l’affaire de Valmy, puis à la bataille de Neerwinden. Caporal le 1er janvier 1793, le jeune Doré de Brouville est « blessé dangereusement d’un coup de sabre à la poitrine » le 25 mars, à Tirlemont.
Le 16 avril 1794, le 1er bataillon de la Haute-Marne est versé, dans le cadre de l’Amalgame, dans la 85e demi-brigade de bataille, dont le lieutenant-colonel Doré de Brouville hérite du commandement comme chef de brigade. Ses deux parents le suivent : son fils, passé caporal fourrier en septembre 1793, et son neveu qui, sergent (dans la 6e compagnie du 3e bataillon) depuis février 1794, est mortellement blessé le 15 mai 1794 en forêt de Léchelles.
Durant les campagnes de l’armée de Sambre-et-Meuse, Henry « fils » est promu officier, à 21 ans : il est sous-lieutenant quartier-maître, le 5 mai 1795, puis passe, après un second amalgame, dans la 34e demi-brigade d’infanterie de ligne, toujours commandée par son père. Ayant servi dans l’Ouest de 1795 à 1797, il rejoint les rangs de la gendarmerie en 1801. Une affectation qui survient quelques mois après le décès, à Vesoul, de son père, chef de brigade de gendarmerie, qui, un temps, a occupé le poste de commandant militaire de la place du Mans, dans la Sarthe.
En l’an X, Brouville est donc situé comme quartier-maître sous-lieutenant à Vesoul, dans la 20e légion de gendarmerie, puis affecté quelques années plus tard à Pontarlier. Après la Campagne d’Espagne avec le 3e corps, le voilà désigné pour une mission bien particulière, en mai 1809…
Quelques mois plus tard, le 18 février 1810, Henry Doré de Brouville est nommé capitaine aide de camp du maréchal Moncey. Le 5 septembre 1812, tout en conservant cette fonction – qu’il partage d’ailleurs avec le frère du maréchal, le colonel Moncey - il reçoit un poste prestigieux : celui de commandant de la compagnie de gardes d’honneur (à cheval) d’Elisa Bonaparte, grande duchesse de Toscane, à Florence, à la suite du capitaine Martelli – Brouville reçoit l’ordre d’attendre cette compagnie à Augsbourg, lors de son départ pour la Grande Armée. Avec cette unité, placée à la suite des grenadiers à cheval de la Garde, le Haut-Marnais participe à la Campagne de Russie.
A la dissolution de la compagnie, versée dans le 4e régiment de gardes d’honneur, Brouville – à qui, le 15 octobre 1811, l’Empereur a proposé de faire partie du collège électoral de l’arrondissement de Chaumont - est promu chef d’escadron dans ce corps, le 19 mai 1813. Le voilà officier supérieur.
L’histoire de ce régiment, où sert un autre officier haut-marnais, le capitaine de Montarby (de Dampierre), a été contée en détail par Jérôme Croyet, archiviste adjoint de l’Ain. Grâce à lui, nous savons que Brouville commande, à Strasbourg, un détachement composé de deux escadrons. Il rejoint cette place le 20 novembre 1813.
Brouville se distingue lors du blocus, notamment lors d’une sortie ayant lieu le 4 février 1814. Le général meusien Broussier – il est né à Ville-sur-Saulx, entre Bar-le-Duc et Saint-Dizier -, gouverneur de la place, rapporte notamment (il est cité par F.-C. Heitz, « Strasbourg pendant ses deux blocus et les Cent-Jours ») : « Les gardes d’honneur, quoiqu’ils eussent l’ordre de ne pas se compromettre, ont cédé à l’ardeur militaire qui les anime, ils ont pris et repris trois fois le village de Schiltigheim ; ils étaient soutenus par le régiment de la Meurthe qui a fait son devoir… Les gardes d’honneur réalisent l’espérance qu’ils ont donnée dans la première sortie : ces jeunes gens se sont conduits avec la valeur la plus brillante. Le colonel (sic) Brouville les a conduits avec bravoure, intelligence et sang-froid. Il était chargé de cette attaque et l’a parfaitement dirigée. Il a forcé l’ennemi à se montrer et l’a occupé de manière à l’empêcher de se porter ailleurs, voilà ce que l’on voulait et ce qui a été exécuté… ». Dans un rapport adressé au colonel Humbert, chef d’état-major, Brouville précisera : « Je suis sorti ce matin, à 4 h, par la porte de Pierre, avec le détachement qui est en garnison dans la place, 200 hommes du régiment de la Meurthe et trois pièces de 6, pour aller prendre position en avant du cimetière», ajoutant que ses gardes d’honneur ont crié « Vive l’Empereur » lors de l’attaque.
Le 10 mars 1814, Brouville est promu, à titre provisoire, colonel-major (c'est-à-dire major, ou lieutenant-colonel) du 4e RGH – grade qui ne sera jamais confirmé.
Il semble que sa carrière s’arrête-là. Lorsqu’il prête serment au roi, en qualité de chevalier de la Légion d’honneur, le 25 novembre 1816, il demeure en non activité à Froncles.
Comme tous les officiers en demi-solde, Brouville est « surveillé » par les autorités de la Restauration. Qui ne trouvent en lui rien de compromettant, en témoigne ce « rapport » du juge de paix du canton de Vignory, qui écrit le 24 mars 1816 au préfet de la Haute-Marne : « Depuis que cet officier est de retour en France, dans la maison de sa mère qui est morte il y a environ six semaines, il s’est conduit avec sagesse et une grande prudence. Il aime le repos et la tranquillité, il ne se communique point, il ne contracte aucune liaison, mène avec sa sœur la vie la plus retirée, ne parlant jamais d’affaires politiques. Il n’est pour l’homme de Sainte-Hélène, qu’il n’a, dit-on, jamais estimé. Son occupation est de donner tout son temps et ses soins à une ferme qu’il a sur le plateau de la montagne de Froncles… » Une ferme d’ailleurs dénommée Brouville, sur une hauteur dominant la Marne.
Henry Doré de Brouville sera maire de la commune de Froncles, particulièrement durant la Monarchie de Juillet, et membre du Conseil général de la Haute-Marne, tout comme son cousin germain Jean Doré de Brouville (autre fils de Pierre-Eugène), né à Clefmont, blessé comme capitaine du 5e cuirassies à Waterloo, retiré à Bourbonne-les-Bains dont il commandera la garde nationale, puis régisseur de l’établissement thermal de Vichy de 1840 à 1845.
Ce fidèle fronclois connaîtra encore le Second Empire, qui le fera médaillé de Sainte-Hélène en 1857, et c’est le 15 décembre 1858, en son domicile, que ce héros des guerres de la Révolution, de Madrid, de Strasbourg rend son dernier souffle, à l’âge de 84 ans. Il n’a jamais, visiblement, contracté d’union.
Sa tombe trône à l’entrée du cimetière de Buxières. Sur l’une des quatre faces du monument, sont gravées des paroles fort élogieuses du maréchal Moncey, qui le range parmi les personnes qu’il a le plus admirées, et le plus aimées…

Sources principales : « La Campagne de Russie et les Haut-Marnais » et « Les bataillons de volontaires nationaux de la Haute-Marne », Pierre-G. Jacquot ; état civil de la commune de Froncles ; dossier de membre de la Légion d’honneur ; « Historique du 4e régiment de gardes d’honneur », Jérôme Croyet ; Archives départementales de la Haute-Marne, série R...