dimanche 8 novembre 2009

Un enfant d'Anglus membre de la Légion d'honneur à 19 ans !

Le 28 décembre 1810, le sous-lieutenant Jacques-Paul de Nolivos, qui servait dans le 3e régiment de tirailleurs-grenadiers de la Garde (ex-1er régiment de conscrits-grenadiers) en Espagne, était fait membre de la Légion d’honneur. Rien d’extraordinaire en cela, sauf que cet officier entrait dans cet ordre prestigieux à l’âge de 19 ans !
Cette promotion est consécutive à un fait d’armes rapporté par l’anthologie « Victoires et conquêtes » qui intervient le 1er décembre 1810, du côté de Pancorbo (province de Burgos), opposant 50 conscrits-grenadiers face à 300 guérilleros montés.

L’excellent blog « L’Estafette » proposé par Christophe Bourachot (http://lestafette.unblog.fr/) contient un témoignage intéressant sur cette affaire. Il émane du conscrit Joseph Guitard.

Voici ce qu’il raconte : « En venant de Pancorbo, nous fûmes attaqués entre Santa-Maria et Salinas par 400 cavaliers de Mina (Note : homme de guerre espagnol). S’étant approchés davantage, on les reconnut en effet, et alors, après avoir fait mettre la baïonnette au fusil, on forma deux sections ; je fis les fonctions de caporal. En s’approchant de nous, ils se formèrent en quatre pelotons ; leur chef, qui portait un chapeau à laque, dont je m’emparai et que je plaçai sur mon sac, cria à notre officier (de Norivos, sous-lieutenant de 18 ans, sortant de l’école – Note : en fait Nolivos) : « Français, rendez-vous !» L’offficier : « A la mort ! ». Alors les quatre pelotons nous chargèrent au galop sur les quatre faces, et à notre première charge, en riposte, nous tuâmes leur chef. (De Nolivos) passait sous les baïonnettes au moment de la charge afin de retenir certains de nos soldats que le courage faisait trop avancer. Ils revinrent plusieurs fois à la charge sans pouvoir nous enfoncer ; nous eûmes plusieurs soldats blessés, entr’autres le sergent qui commandait la 2e section ; je fus obligé de la commander. A une autre charge, nous eûmes le tambour blessé à la cuisse : il s’appuya sur une borne, en battant toujours la charge. Comme l’ennemi allait le tuer, (de Nolivos) le plaça sur ses épaules, le porta quelque temps et puis le repassa à chacun de nous ; mais assaillis à chaque instant par les ennemis, nous fûmes obligés de le laisser ; il battait encore la charge lorsqu’il fut achevé ! En approchant de Breviesca, notre fusillade fut entendue, l’on vint à notre secours ; nous revînmes sur nos pas pour voir nos blessés et nous les trouvâmes tous massacrés. En arrivant à Breviesca, le colonel porte (de Nolivos) pour la croix d’honneur, et moi aussi. Il la reçut bientôt avec le grade de lieutenant…. »

Si le patronyme du jeune officier fleure bon le Sud-Ouest de la France ou l’Espagne, Jacques-Paul de Nolivos est un enfant de la Haute-Marne : il naît le 28 janvier 1791 à Anglus, près de Montier-en-Der. Son père est un capitaine de dragons originaire du Béarn qui s’est marié avec une Champenoise. Elève, comme ses deux frères, de l’école spéciale militaire de Fontainebleau, Paulin de Nolivos est promu sous-lieutenant le 25 mars 1809 pour être affecté dans le 1er régiment de conscrits-grenadiers de la Garde qui vient d’être créé, précisément dans la 3e compagnie du 3e bataillon. Avec ce corps commandé par le colonel Darquier, il s’illustre en Espagne, passe lieutenant le 24 juin 1811, dans la 2e compagnie du 1er bataillon du 3e tirailleurs, puis est promu, à seulement 22 ans, chef de bataillon dans la ligne, le 2 avril 1813 ! Affecté au 2e régiment d’artillerie de marine, qui comme son nom ne l’indique pas est une unité d’infanterie (sous les ordres du maréchal Marmont), il trouve la mort le 18 octobre 1813 à la bataille de Leipzig.

Officier supérieur à 22 ans et déjà chevalier de la Légion d’honneur : nul doute que la carrière de cet enfant de la noblesse d’Ancien Régime se serait rapidement portée au sommet de la hiérarchie militaire. Le destin en a décidé autrement, comme il n’a pas été favorable à ses deux frères, l’un tombé comme sous-lieutenant du 106e de ligne à la bataille de Raab (1809), l’autre mort en Russie (1812).

Sources : état civil d’Anglus ; états de services du chef de bataillon de Nolivos (communiqués par Pierre-G. Jacquot) ; « Victoires et conquêtes des Français ».
Remerciements à Christophe Bourachot.

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